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L'Orient à feu et à sang

L'Orient à feu et à sang

Titel: L'Orient à feu et à sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harry Sidebottom
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Perse. La pointe entama la peau et un filet de sang, très noir sous le clair de lune, coula sur l’acier luisant.
    — Et pourquoi devrais-je te croire ?
    Bagoas regardait les yeux bleu pâle, sans expression, de Maximus. Il ne pouvait pas parler. Le tumulte de la poursuite se répercutait dans le ravin. Avec l’écho, il était impossible de savoir à quelle distance se trouvaient les poursuivants.
    — Alors ? On n’a pas toute la nuit.
    Bagoas avala sa salive avec effort.
    — Ballista et vous n’êtes pas les seuls à avoir de l’honneur. Vous m’avez sauvé la vie lorsque les légionnaires m’ont attaqué. Maintenant, je vais payer ma dette.
    Il y eut un long, très long silence. L’épée restait contre la gorge de Bagoas. Le regard bleu et pénétrant ne trahissait rien. Les bruits de poursuite s’amplifiaient.
    Puis l’épée disparut. Maximus l’essuyait soigneusement avec un chiffon accroché à sa ceinture. Il la rengaina et sourit.
    — À la prochaine, mon gars.
    Maximus fit faire demi-tour à son cheval, le talonna et s’engagea dans le sentier de droite pour rattraper les autres.
    En haut des collines, assis sur Cheval Pâle, Ballista contemplait la ville en feu. Le vent du sud forcissait soulevant de grandes banderoles de flammes qui sillonnaient le ciel nocturne. De temps à autre, d’épais nuages d’étincelles s’élevaient comme autant d’éruptions volcaniques lorsqu’un bâtiment s’effondrait. La ville à l’agonie était au moins à un mille et demi. À la grande satisfaction de Ballista, aucun bruit de poursuite ne parvenait à ses oreilles.
    « Tous ces efforts pour en arriver là », pensa-t-il. « Est-ce ma faute ? Me suis-je focalisé sur les travaux de siège des Sassanides au point d’oublier la possibilité d’une trahison ? Si j’avais prêté plus d’attention aux chrétiens, y aurait-il eu des signes annonciateurs ? Les aurais-je vus ? »
    Un autre édifice s’effondra dans un tourbillon d’étincelles. Le dessous des nuages qui filaient dans le ciel se teignait de rose. Telle la gueule aux dents acérées d’un brochet, une affreuse pensée fit surface dans l’esprit de Ballista : tout était prévu. « Voilà pourquoi on m’a envoyé moi, plutôt que Bonitus ou Celsus. Voilà pourquoi on ne m’a pas alloué d’autres troupes. Voilà pourquoi les rois d’Émèse et de Palmyre ont pu refuser d’accéder à mes demandes et de lever des troupes. L’arrivée de renforts n’a jamais été dans les cartes. Les empereurs savaient depuis le début que les deux armées de campagne seraient occupées ailleurs ; que l’une, dirigée par Gallien, marcherait vers le Danube pour combattre les Carpes tandis que l’autre, avec Valérien à sa tête, devrait chasser les Goths d’Asie mineure. Arété devait tomber, c’était écrit. La ville, sa garnison et son commandant avaient toujours été considérés comme une quantité négligeable. Nous devions être sacrifiés afin de gagner du temps. »
    Ballista s’aperçut qu’il riait. Dans un sens, il avait réussi. La ville était tombée, mais il avait permis à l’ imperium de gagner du temps. Au prix de terribles souffrances et de milliers de vies humaines, il avait permis à l’Empire romain de différer ses échecs. Les empereurs devraient l’accueillir en héros, mais il savait qu’il n’en serait pas ainsi. Ils avaient voulu un héros mort, et non le témoin vivant de leur lâche abandon de la ville d’Arété. Ils avaient voulu que leur cher Dux Ripæ barbare mourût l’arme à la main dans une ville réduite en cendres, et non qu’il revînt chancelant à la cour impériale, empestant l’échec et la traîtrise. Il ne serait qu’une cause d’embarras. On le blâmerait, on en ferait un bouc émissaire, sa réputation serait ternie.
    « Un jour », en fit-il le vœu, « cet imperium regrettera tous ses méfaits. »
    La ville brûlait encore. Ballista avait vu tout ce qu’il y avait à voir.
    Se retournant sur sa selle, il contempla la petite troupe derrière lui. Tous ceux qu’il aimait étaient là : Calgacus, Maximus, Demetrius. Et Bathshiba. D’autres pensées lui vinrent à l’esprit – la silhouette encapuchonnée du colosse, Mamurra enseveli sous la muraille. Il les chassa. Il regarda par-delà le petit groupe : aucun signe de poursuite. Il donna le signal du départ.
    En queue de colonne, le dernier des frumentarii contemplait la ville d’Arété en feu.

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