L'Orient à feu et à sang
cheval était bien trop mal en point pour galoper. Ballista débarrassa l’un des deux derniers chevaux de bât de ses provisions et dit au soldat de le monter. Il chassa ensuite le cheval boiteux. Il resta tout près d’eux, les contemplant d’un air mélancolique.
Faisant signe aux autres de le suivre, Ballista avançait au petit trot au fond du ravin, dans la direction opposée au fleuve.
Ils n’avaient parcouru qu’une petite distance lorsqu’ils entendirent les cris. Loin au-dessus d’eux, sur la gauche, des torches brillaient. Une sonnerie de buccin retentit. Des guerriers sassanides avançaient sur le rebord du ravin, empruntant le chemin qu’ils avaient pris. Ballista se sentit absurdement déprimé. Il avait espéré contre toute attente qu’ils auraient pu s’échapper à l’insu de tous comme des voleurs dans la nuit. Il se mit à prier : « Père-de Tout, l’Encapuchonné, le Très-Haut, l’Exauceur de vœux, faites que leurs chevaux refusent de descendre sur le talus, que le courage de leurs cavaliers leur fassent défaut. » Il savait sa prière vaine. Il se mit à espérer que leurs propres chevaux auraient tellement creusé la surface du talus qu’il céderait et que les Perses partageraient le sort sanglant de Félix.
Tandis que les cris de leurs poursuivants s’amplifiaient, Ballista résistait au désir de pousser son cheval au galop. Il sentait que les autres l’exhortaient silencieusement à accélérer l’allure, mais il n’en fit rien. La poursuite de l’onagre lui avait appris combien le terrain était accidenté. Il se força à adopter une allure régulière, laissant Cheval Pâle choisir son chemin.
Bientôt, le tournant de l’oued aride les dissimula à la vue de leurs poursuivants. La chaleur de la journée semblait s’être accumulée dans les profondeurs du ravin. Ballista traversait des nuées de moucherons qui s’insinuaient dans ses yeux et sa bouche.
Il approchait de l’endroit où le chemin bifurquait. Avant de diriger Cheval Pâle vers l’étroit sentier de droite, il regarda derrière lui. Bathshiba et Calgacus étaient tout prêts. Il ne voyait pas Maximus. Il n’avait pas entendu de chevaux tomber, ni aucune agitation. Il était surpris, mais pas vraiment inquiet. Il s’engagea sur le sentier qui montait de plus en plus.
Maximus avait aimé dévaler l’escarpement. Il s’enorgueillissait d’avoir tout de suite su ce que Ballista avait l’intention de faire. Dès qu’ils avaient vu le glissement de terrain, le jour où Ballista avait tué le lion, il avait su qu’ils tenteraient un jour de le descendre à cheval. Bien sûr, il n’avait pas pensé que cela serait de nuit, alors qu’ils fuyaient la ville mise à sac, mais cela ne faisait que pimenter l’aventure.
Lorsqu’il entendit leurs poursuivants, Maximus se retourna sur sa selle et regarda la colonne formée par ses compagnons. Tout semblait bien se passer, mais il remarqua que Bagoas s’était déplacé sur le côté pour laisser les autres le dépasser. Maximus en fit autant et, graduellement, se retrouva en queue de colonne. Lorsqu’ils s’engagèrent sur l’étroit sentier de droite, il n’y avait plus que trois cavaliers derrière Maximus. Une fois que le chemin se fut élargi, il arrêta son cheval contre la paroi rocheuse et fit signe au garde Titus et à Turpio de le dépasser.
Maximus attendit, immobile, sur sa selle. Aucun signe du jeune Perse. Il fit demi-tour et, dégainant son épée, rebroussa chemin. « C’est donc ça, sale petit faux-jeton : tu attends à la fourche et tu leur indiques le chemin que nous avons pris. Sauf que tu auras rejoint l’Hadès bien avant que cela n’arrive, petit salaud. » Il talonna son cheval dont les sabots délogèrent des gerbes de cailloux.
Comme il s’en doutait, Bagoas, immobile, attendait à la fourche. Maximus poussa sa monture. Le jeune Perse le vit arriver, brandissant son épée. Il leva les deux mains, paumes vers l’avant.
— Non, s’il vous plaît, ne me tuez pas.
Sans un mot, Maximus s’approchait.
— Non, s’il vous plaît, vous ne comprenez pas. Je ne vais pas vous trahir. Je veux vous sauver. Je leur indiquerai la mauvaise direction.
Maximus tira férocement sur la bride, cabrant presque son cheval. Il se pencha sur le côté et saisit la longue chevelure de Bagoas, le soulevant à moitié de sa selle. L’épée de l’Hibernien brilla, tandis qu’elle s’appuyait contre la gorge du jeune
Weitere Kostenlose Bücher