L'Orient à feu et à sang
vous semble, dit-il avant de disparaître sans prévenir en haut de l’escalier menant au premier étage.
Ballista et Demetrius se regardèrent.
— Eh bien, on ne peut pas peut dire que la philosophie lui a apporté la paix intérieure, dit le Grec.
— Seul l’homme sage est heureux, dit Ballista, qui aurait été bien en peine de se souvenir de l’auteur de la citation. Jetons un coup d’œil.
Il y avait un portique ouvert sur leur gauche. Droit devant eux, ils entrèrent dans une longue pièce qui s’étendait sur presque toute la longueur de la maison. Elle était peinte en blanc et ne comportait que des bancs en guise de meubles ; on aurait dit une salle de classe. Il y régnait une puissante odeur d’encens qui en rendait l’atmosphère presque irrespirable. Ils revinrent dans l’atrium et inspectèrent une autre pièce, en face du portique. Vide, à part quelques jarres dans un coin. Elle aussi était peinte en blanc, et là aussi l’étouffante odeur d’encens masquait toutes les autres.
Il restait une pièce au rez-de-chaussée, séparée du vestibule par l’escalier que l’homme avait emprunté. Ballista s’arrêta sur le seuil, surpris. Bien qu’elle ne comportât presque aucun meuble comme le reste de la maison, c’était une explosion de couleurs. Il y avait à un bout une voûte à colonnade, peinte de façon à imiter le marbre. Le plafond était bleu ciel, constellé d’étoiles argentées. Sous la voûte, une baignoire d’une personne, et derrière, l’image d’un homme portant un mouton.
Ballista parcourait la pièce des yeux. Où que son regard se posât, il rencontrait une image. Il se perdit dans la contemplation d’une peinture rudimentaire représentant trois hommes. L’homme de gauche portait un lit vers celui de droite, lui-même allongé sur un autre lit. Au-dessus d’eux se tenait un troisième homme étendant sa main au-dessus du personnage couché.
— Foutrement bizarre, dit l’un des soldats.
Juste à droite de cette peinture, un homme vêtu comme un paysan flottait au-dessus de la mer. Des marins le regardaient, médusés, depuis le pont d’un navire bien gréé.
— Bonjour, Marcus Clodius Ballista, Vir Egregius, Dux Ripæ.
Il était entré derrière eux sans qu’ils s’en aperçoivent. Se retournant, Ballista vit un homme de haute taille, vêtu d’une tunique bleu uni, d’un pantalon blanc et chaussé de simples sandales. Il était dégarni, les cheveux coupés court sur les côtés. Il arborait une barbe et un grand sourire. Son visage lui semblait familier.
— Je suis Theodotus, fils de Theodotus, conseiller de la ville d’Arété, et prêtre de la communauté chrétienne de la ville.
Il souriait affablement. S’en voulant de ne pas avoir reconnu le prêtre chrétien, Ballista eut un sourire gêné et lui tendit la main.
— J’espère que vous pardonnerez le mauvais accueil qu’a pu vous faire mon frère Josephus. Vous comprendrez que, depuis les persécutions lancées par l’empereur Dèce il y a quelques années, nous autres, chrétiens, sommes anxieux lorsque des soldats romains frappent à nos portes. (Il serra la main de Ballista et rit de bon cœur) Bien sûr, les choses se sont grandement améliorées maintenant, sous le règne éclairé de Valérien et Gallien, et nous prions pour que Dieu leur prête longue vie. Mais les mauvaises habitudes ont la vie dure. Nous trouvons préférable de rester discrets.
— Non, en fait c’est moi qui me suis montré impoli, même si ce n’était pas mon intention. J’ai pris votre frère pour un philosophe païen.
Bien que Theodotus semblât dispos à son égard, Ballista préférait anticiper les problèmes autant que possible.
— Je suis désolé, vraiment navré qu’il faille détruire votre lieu de culte. Je vous assure qu’il n’en aurait jamais été ainsi si cela n’avait pas été absolument nécessaire. Je ferai tout mon possible pour qu’une compensation vous soit payée – si la ville ne tombe pas, bien entendu.
Au lieu du torrent de protestations et de plaintes auquel Ballista s’attendait, Theodotus écarta les mains et sourit béatement.
— Tout sera fait selon la volonté de Dieu, dit le prêtre. Ses voies sont mystérieuses.
Ballista était sur le point de dire quelque chose, mais des effluves d’encens restèrent coincés au fond de sa gorge et déclenchèrent une quinte de toux.
— Nous brûlons beaucoup d’encens pour rendre gloire au
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