L'Orient à feu et à sang
du palais du Dux Ripæ.
Il déboula au bout de l’allée, tourna à droite en dérapant et faillit rentrer dans une charrette. La contournant, il baissa la tête et se remit à courir à toutes jambes. Derrière lui, il entendit un choc, des cris et des jurons. Il se détachait ; plus que quelques pas, un dernier effort.
Au moment où il contournait le grenier, il sut qu’il n’y avait pas d’issue. Deux légionnaires se précipitaient vers lui. L’allée était étroite, pas plus de dix pas de large. Il ne pourrait jamais se faufiler et leur échapper. Il s’arrêta et regarda autour de lui. La porte nord du palais n’était plus qu’à une quarantaine de pas, mais elle était derrière les légionnaires. À sa gauche, le mur aveugle du palais, à sa droite, le côté d’un grenier, impossible à escalader. Malgré son avance, malgré la charrette, les deux autres l’auraient rattrapé dans un instant.
Quelque chose le heurta violemment dans le dos, l’envoyant rouler dans la poussière. On lui saisit les jambes. On le tira en arrière sur le ventre ; il s’écorchait les bras sur le sol de l’allée.
De sa jambe droite, il décocha un coup de pied. Il y eut un grognement de douleur. Il se remit debout à moitié, appelant à l’aide. Les deux equites singulares de garde à la porte du palais lui lancèrent un regard indifférent. Avant qu’il pût crier à nouveau, on le frappa durement sur l’oreille droite. Sa vue se troubla et il retomba par terre, le visage dans la poussière.
— Traître ! Sale petit traître !
On le traîna dans l’étroite allée entre les deux greniers les plus proches, avant de le remettre sur ses pieds et de le pousser entre les étais dépassant des deux entrepôts. Il alla s’écraser contre le mur.
— Alors comme ça, tu crois que tu peux te promener à ta guise, passer juste devant nous et nous espionner ?
L’un des légionnaires l’agrippa par le cou, approchant son visage à quelques pouces du sien.
— Notre dominus nous a dit ce que tu étais – un putain d’espion, une putain de tapette. Et ton Barbare n’est pas là pour te venir en aide, maintenant.
Il lui donna un grand coup de poing dans le ventre. Deux légionnaires le redressèrent, le tenant par les bras tandis que les deux autres le frappaient encore et encore au ventre et au visage.
— On va s’amuser un peu avec toi, mon gars. Et ensuite, on va mettre fin à tes petits jeux pour toujours.
Il y eut une autre volée de coups et il s’affala sur le sol. Maintenant, ils le frappaient tour à tour à coups de pied.
Il se roula en boule. Les coups de pieds continuaient à pleuvoir. Il sentait l’odeur de cuir de leurs bottes militaires et dans sa bouche, le goût acidulé et métallique de son propre sang. « Non, Mazda, non… Ne laisse pas se reproduire ce qui s’est passé avec les nomades. » Sans qu’il sût pourquoi, un fragment de poésie lui revint en mémoire.
Je pense parfois que la rose jamais n’est aussi rouge
Qu’à l’endroit où quelque César enterré a saigné.
Les coups de pied cessèrent.
— Qu’est-ce que tu regardes, salopard ?
À travers ses paupières tuméfiées, mi-closes, Bagoas voyait la silhouette de Calgacus à l’autre bout de l’allée.
— Mais vous êtes de gros durs, dites-moi. Quatre beaux gaillards comme vous contre un seul petit minot. Vous croyez que vous arriverez à vous en prendre à un vieux, pour changer ?
Aux yeux du jeune Perse, Calgacus semblait plus jeune et plus grand que jamais. Mais cela ne pouvait que mal se terminer. Il aurait voulu crier au vieux Calédonien de s’en aller au plus vite, lui dire qu’il ne servait à rien d’être battu comme plâtre, peut-être même tué, mais les mots ne parvenaient pas à sortir.
— On t’aura prévenu, vieil abruti.
Les légionnaires s’étaient tous tournés vers Calgacus.
Il y eut un cri de surprise et de douleur. L’un des légionnaires fut propulsé en avant, butant contre les jambes du jeune Perse avant de s’étaler de tout son long. Les trois autres le regardaient, stupéfaits. Au moment où ils se retournaient, Bagoas vit le poing de Maximus s’écraser sur le visage du légionnaire de gauche. Une expression d’ébahissement presque comique se peignit sur le visage de l’homme tandis qu’il s’écroulait contre le mur ; son nez, d’où sortait d’abondants flots de sang, semblait complètement aplati.
Le légionnaire que Maximus avait
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