Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
déjà, Louis, chaque semaine, écrit, dicte des Mémoires pour l’instruction du Dauphin. Et il veut maintenant que ce texte soit présenté à l’Académie, que l’écrivain Pellisson, qui a contribué à sa rédaction, explique que le roi a voulu « transmettre les secrets de la royauté et les leçons éternelles qu’il faut éviter ou suivre ».
Ainsi ces Mémoires pour l’instruction du Dauphin deviendront-ils un monument du patrimoine royal, un château de mots et de pensées, que tout souverain pourra s’approprier, embellir, comme Louis l’a fait, avec ce pavillon de chasse de son père, et qui maintenant est comme le cœur d’un joyau autour duquel se sont, à Versailles, agrégés d’autres diamants, plus gros, plus brillants.
Il convoque Monseigneur. Ce fils de dix ans lui ressemble. Il est accompagné de son gouverneur, le duc de Montausier, qui fut protestant et qui a le tranchant d’un misanthrope. Certains ont même assuré que Molière a pensé à lui en composant le personnage d’Alceste.
Louis tend à Monseigneur le volume des Mémoires.
— Mon fils, dit-il, beaucoup de raisons, et toutes fort importantes, m’ont fait résoudre à vous laisser, avec assez de travail pour moi parmi mes occupations les plus grandes, les Mémoires de mon règne et de mes principales actions.
Il a, depuis l’année 1661 et jusqu’en 1668, tenu le journal de ses décisions et, dégageant sa pensée des circonstances, il a voulu préciser les principes qui l’ont guidé.
— Je n’ai jamais cru que les rois, reprend-il, sentant comme ils font en eux toutes les tendresses paternelles, fussent dispensés de l’obligation commune des pères qui est d’instruire leurs enfants par l’exemple et par le conseil. Au contraire, il m’a semblé qu’en ce haut rang où nous sommes vous et moi, un devoir public se joignait au devoir particulier.
Maintenant, Monseigneur a dix ans. Louis veut qu’il lise ces Mémoires. Et il l’a dit à Bossuet qu’il vient de désigner comme précepteur du Dauphin, et celui-ci s’est engagé à commencer aussitôt l’étude des Mémoires pour l’instruction du Dauphin, et à éclairer ainsi par l’exemple du roi cette Histoire universelle, cette Politique tirée des propres paroles de l’Écriture sainte qu’il veut enseigner à Monseigneur.
Louis écoute Bossuet, se souvient qu’il a écrit dans ses Mémoires, pour l’année 1668 : « On sait bien que nous ne pouvons pas faire tout, mais nous devons donner ordre que tout soit bien fait et cet ordre dépend principalement du choix de ceux que nous employons… et le souverain pour être habile et bien servi est obligé de connaître tous ceux qui peuvent être à la portée de sa vue…»
Il s’approche de son fils.
— Je sais bien, mon fils, dit-il, que ces observations sont un peu scrupuleuses… Mais si vous avez un jour comme je l’espère la noble ambition de vous signaler, si vous voulez éviter la honte non seulement d’être gouverné mais seulement d’en être soupçonné, vous ne sauriez observer avec trop d’exactitude les principes que je vous donne ici et que vous trouverez continuellement dans la suite de cet ouvrage…
Il a le sentiment d’avoir accompli peut-être la plus grande de ses tâches.
« Il y a peu de souverains qui se donnent la peine de laisser ainsi à leur fils une réflexion sur la manière de gouverner. Mais aussi s’en trouve-t-il bien peu qui s’acquittent pleinement de leur devoir. »
Il l’a dit à son fils : « Si vous ne voulez vivre qu’en prince du commun content de vous conduire ou plutôt de vous laisser conduire comme les autres, vous n’avez pas besoin de ces leçons. »
Mais le fils de Louis le Grand ne peut être un prince du commun.
Puisqu’il a rempli ce devoir essentiel pour ses sujets, et qu’il a préparé ainsi leur avenir, peu lui importe de paraître entouré de son épouse la reine, et de ses femmes, Louise de La Vallière et Athénaïs de Montespan.
Jamais l’une d’elles n’a influé sur ses décisions de roi en charge du royaume.
Il a le sentiment que désormais, il peut proclamer que c’est ainsi qu’il vit.
Il prend le bras d’Athénaïs de Montespan, et se rend avec elle au château de Chantilly où le prince de Condé les reçoit, et lui présente les plats extraordinaires créés par Vatel, le maître cuisinier le plus talentueux du monde.
On cherche Vatel afin que le roi le félicite. Il a
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