Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
fêtes, des représentations et des ballets pour le distraire. Il aime celui de Lully, Psyché , auquel il assiste le 17 janvier 1671, dans la salle des machines du palais des Tuileries. Il n’a rien vu jusqu’alors de mieux exécuté, de plus magnifique, le décor changeant sans cesse, les trois cents musiciens accompagnant les danseurs. La dernière scène l’étonne et le ravit, avec plus de trois cents personnes suspendues dans les airs cependant que théorbes, luths, clavecins, hautbois, flûtes, trompettes et cymbales composent une symphonie majestueuse.
Il quitte le palais des Tuileries avec ce sentiment de plénitude qu’il éprouve chaque fois que le monde lui renvoie l’image de sa puissance et de sa gloire.
Mais il s’irrite quand, quelques jours plus tard, pour le bal du mardi gras, en ces mêmes Tuileries, personne ne danse, parce qu’on attend, en vain, Louise de La Vallière et la marquise Athénaïs de Montespan.
Il apprend que Louise s’est enfuie, qu’elle a gagné le couvent de Sainte-Marie, à Chaillot, qu’elle a décidé de s’y retirer, pour en finir avec le dédain du roi, et les humiliations qu’avec Athénaïs de Montespan ils lui imposent.
Louis quitte les Tuileries. Il se rend à Versailles en compagnie de la Grande Mademoiselle et d’Athénaïs.
Si Louise de La Vallière veut se retirer du monde, qu’elle le fasse ! Et tout à coup, dans ce carrosse face à ces deux femmes, il ne peut retenir ses larmes.
Il se sent comme un enfant auquel on a retiré l’un de ses jouets. Il ne peut pas accepter que, contre son désir, Louise de La Vallière vive loin de lui et lui inflige cette douleur, ce dépit.
Athénaïs et la Grande Mademoiselle pleurent elles aussi.
Arrivé à Versailles, Louis ordonne que des messagers se rendent au couvent de Sainte-Marie, qu’ils transmettent à Louise le désir du roi.
Ils partent à bride abattue, reviennent après s’être heurtés au refus et aux larmes de Louise.
Louis ne peut accepter de perdre.
Il convoque Colbert. Lui doit réussir. Et il ne répond pas à Colbert qui murmure qu’il sera peut-être contraint d’employer la force.
Voici enfin Louise de retour, elle a cédé à Colbert. Louis est si bouleversé qu’il ne songe même pas à dissimuler son émotion aux courtisans qui les observent, s’interrogent sur ce qu’ils croient être un regain d’amour du roi pour son ancienne maîtresse. Ils s’imaginent qu’elle va l’emporter sur Athénaïs de Montespan. Louis regarde ces deux femmes. Elles sont son bien. Il ne veut perdre ni l’une ni l’autre.
Louise est une part de son passé, Athénaïs l’enchantement de ses sens et le plaisir de ses yeux.
Pourquoi faudrait-il qu’il se prive de cette jouissance, de la présence de la reine, et même de telle ou telle jeune suivante d’Athénaïs ou de Marie-Thérèse, qu’il honore parfois, quand Athénaïs est en couches ?
Il est le roi.
Brusquement des cris, des sanglots, la reine s’avance, le visage en larmes. Leur fils, le duc d’Anjou, âgé d’à peine trois ans, vient de mourir.
Louis sent que son corps se couvre d’une sueur froide. Il tremble. Il se souvient de la prédiction à Saint-Denis : « La mort qui égale tout », avait dit Bossuet.
Elle est là à nouveau, toute proche.
Et le nain, bouffon de la reine, s’est précipité dans la chambre de la Grande Mademoiselle et a crié d’une voix aiguë :
— Vous mourrez, vous autres Grands, comme les autres, votre neveu, le petit duc, est mort.
Louis gagne seul ses appartements.
Les rapports révèlent que dans le peuple on juge que cette mort est un juste châtiment de l’inconduite du roi, et de la débauche d’or et de plaisir dans laquelle se vautrent les Grands du royaume.
Louis ferme les yeux. Est-il possible que Dieu le punisse ?
42.
Louis prie.
Il songe à tous ses enfants, ceux de Marie-Thérèse, et ceux nés de Louise de La Vallière ou d’Athénaïs de Montespan, qui ont à peine vécu quelques jours ou quelques mois, et, qu’ils fussent légitimes ou bâtards, il les a tous aimés, et il a souffert de leur mort.
Et maintenant le duc d’Anjou.
Il s’agenouille dans la chapelle des Tuileries. Il demande au Seigneur de protéger le dauphin, le premier-né, celui qu’on appelle Monseigneur et qui vient d’entrer dans sa dixième année.
C’est Monseigneur, si Dieu le laisse en vie, qui recevra l’héritage de la monarchie.
Depuis plusieurs années
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