Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi
douleur s’efface, qu’elle disparaît lorsqu’il demande à Michel Le Tellier et au marquis de Châteauneuf de rédiger l’édit de révocation de l’édit de Nantes.
Il en lit lui-même, le 18 octobre 1685, le préambule, et son corps lui paraît plus léger, comme si chaque phrase qu’il prononçait lui rendait une nouvelle part de sa vigueur juvénile.
« Nous voyons, dit-il, que la meilleure et la plus grande partie de nos sujets de la religion prétendue réformée ont embrassé la catholique. Aussi nous avons jugé que nous ne pouvions rien faire de mieux pour effacer entièrement la mémoire des troubles… de révoquer entièrement ledit édit de Nantes et les articles particuliers qui ont été accordés en suite d’icelui, et tout ce qui a été fait depuis en faveur de ladite religion. »
Ainsi, l’hérésie est chassée du royaume. Le culte huguenot est interdit dans les maisons privées et dans les temples qui seront détruits. Les pasteurs n’auront le choix qu’entre abjurer ou quitter le royaume. Mais il n’est point question de permettre aux derniers fidèles de l’hérésie de sortir de France. Ils doivent choisir entre la conversion ou les galères – et pour les femmes la punition sera le couvent.
Il lui paraît juste aussi que les enfants soient baptisés dès leur naissance dans la vraie religion, et si besoin est retirés à leurs parents qui s’obstineraient à refuser la conversion.
Il ne veut pas lire les placets, les requêtes, les suppliques qu’on lui adresse après la publication de cet édit de Fontainebleau. Ceux qui en subissent les effets, qu’on conduit aux galères, qu’on prive de leurs enfants ou qui s’enfuient aux Provinces-Unies ou au Brandebourg, abandonnant leurs biens, sont des rebelles qui ont délibérément refusé de se convertir.
Ils ne sont les victimes que de leur choix diabolique !
Ils ont rejeté la religion de leur roi, celle de tous les sujets du royaume.
Il ne veut entendre que ces louanges qu’on lui adresse au Conseil, et lorsqu’il paraît à la Cour.
Il est le nouveau Charlemagne, le nouveau Constantin, le champion de la foi, lui répète-t-on. Aucun roi n’a fait et ne fera rien de plus mémorable.
Il ne sent autour de lui qu’approbation.
Jamais l’accord n’a été aussi grand entre lui et ses sujets. Jamais le royaume n’a été plus uni, pense-t-il.
Il écoute Louvois, qui lui lit les rapports des intendants. Dans toutes les provinces, ce ne sont qu’actions de grâces pour le roi, qui comme Saint Louis a combattu pour le Seigneur.
Et il se sent conforté dans sa décision et sa foi lorsqu’il apprend qu’en Angleterre, aux Provinces-Unies, les pasteurs qui ont préféré quitter la France plutôt que de se convertir le dénoncent. Ils parlent de « cruelle persécution ». Ils le menacent du tribunal de Dieu. Ils accusent l’Église du royaume d’être comme le roi coupable de toutes les violences.
« La mauvaise foi, la fourbe, la violation des promesses, la profanation du Sacré nom de Dieu, la fureur, la violence, la brutalité, tout y rentre. Qui ne serait scandalisé de voir les gens qui se disent chrétiens agir en Turcs et en cannibales ? »
Voilà les ennemis de Dieu qui sont ceux du royaume.
Ils ont tombé le masque. Et aussi, les quelques-uns qui vivent encore dans le royaume, qui n’ont pas été convertis, ceux qui ont échappé à la chiourme des galères, et qui ne renoncent pas.
Il approuve Louvois qui, contre ces hérétiques qui se rassemblent dans les lieux les plus reculés, dans les Cévennes, le Vivarais, pour chanter les psaumes impies, veut envoyer les dragons, afin de disperser ces obstinés, de les conduire de force à l’autel, pour qu’ils communient, et ceux qui s’y refuseront seront enchaînés, condamnés aux galères.
Il sent que la douleur revient, plus aiguë encore.
La guerre contre elle et contre les hérétiques et les rebelles, contre tous ceux qui, à l’intérieur des frontières ou dans les pays ennemis, veulent affaiblir le royaume, ne cessera donc jamais !
Il doit la mener : c’est son destin de grand roi.
Il se souvient des temps de la Fronde, de l’hostilité qui entourait sa mère, le cardinal de Mazarin, de la haine des princes qui avaient pris les armes, se mettant au service de l’étranger.
Et les huguenots s’enrôlent dans les régiments de l’électeur Frédéric-Guillaume ou dans ceux de Guillaume d’Orange !
Et
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