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Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi

Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi

Titel: Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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cependant, certains dans son entourage même prennent leur parti.
    Il lit dans les rapports des espions qu’Élisabeth Charlotte, la belle-sœur, aurait tenté de protéger des huguenots, facilité leur fuite et empêché qu’on leur arrache leurs enfants.
    Lille aurait dit :
    — La vieille conne et le père de La Chaise, et tous les jésuites persuadent le roi que tous les péchés que Sa Majesté a commis avec la Montespan seront absous s’il harcèle et chasse les réformés. Et que c’est là le chemin qui le conduira au paradis. Sa Majesté le croit fermement car de sa vie il n’a lu un seul mot de la Bible. C’est ainsi qu’il est trompé.
    Il est indigné qu’on insulte ainsi Mme de Maintenon.
    Il est emporté par la colère parce qu’on ose faire de lui le jouet d’une épouse, ou de l’ordre des Jésuites.
    Il se tourne vers Mme de Maintenon.
    Elle est la seule personne en qui il ait confiance, la seule qui comprenne ses intentions. Il lui tend la main pour qu’elle le rassure, parce que, avec la colère et l’indignation, la douleur l’a de nouveau empoigné.

 

6.
     
     
    Il ouvre la bouche.
    Il tient la main de Françoise de Maintenon qui est debout près du fauteuil sur lequel il est assis, la nuque appuyée au dossier, la tête un peu renversée en arrière afin de faciliter le travail du chirurgien.
    Il entend le murmure de Françoise qui prie et dit :
    — Que la volonté de Dieu soit faite, que Dieu vous protège.
    Il lève la main pour inviter le chirurgien à approcher, à commencer. Il est prêt à accepter cette nouvelle épreuve, cette souffrance. Dieu la lui impose et on ne se rebelle pas contre le Seigneur.
     
    Voilà des mois maintenant qu’il vit avec la douleur.
    Il est contraint souvent de ne se déplacer dans les galeries et les salons du château que dans un fauteuil à roulettes, parce que la goutte l’empêche de marcher. Et il a dû renoncer à chevaucher, ses fondements sont si douloureux qu’il peut à peine rester assis dans un fauteuil, et que la selle est devenue un instrument de torture.
    Alors il chasse le cerf et le sanglier, à demi allongé dans une calèche. Et il a même dû souvent s’installer sur une sorte de chariot poussé par des valets, parce qu’il ne peut plus marcher dans ses jardins, et qu’il veut pourtant s’y promener. Et parce que Dieu qui lui inflige ces épreuves ne peut pas désirer que le Roi Très-Chrétien, défenseur de la juste religion, s’abandonne, se couche, n’accomplisse plus ses devoirs de roi et de catholique.
    Le chirurgien se penche.
    Louis voudrait oublier son corps, cette plaie qui s’est creusée dans son palais et que le chirurgien veut cautériser en en brûlant les contours purulents avec un fer rougi au feu.
    Il faut accepter, laisser le chirurgien agir, tenter de fermer ce trou par où les aliments et les boissons pénètrent avant de ressortir par le nez.
    C’est comme si Dieu voulait lui rappeler qu’il n’est qu’une chair vulnérable et souffrante, qui après avoir connu tous les plaisirs doit maintenant subir la douleur et l’épreuve.
    Dieu lui retire tous ces plaisirs du corps dont il a tant joui et dont il lui reste si peu.
     
    L’amour n’est plus qu’une brève étreinte dont il ne se lasse pas, qui l’apaise et dont il rend grâce à Françoise de Maintenon.
    Mais il ne veut même plus se souvenir des nuits brûlées par le désir.
    Maintenant, après l’amour, il se redresse avec peine. Il se rend en boitillant vers sa chaise percée, placée dans la chambre, et sur laquelle il s’assied plusieurs fois par nuit, et jusqu’à dix fois dans la journée.
    Les médecins le purgent, lui font boire du vin émétique. Ils lui répètent qu’il doit évacuer les aliments qu’il ne mâche plus, et qu’il avale le plus vite possible pour éviter qu’ils ne s’infiltrent dans la plaie du palais. Mais s’il se nourrit ainsi, il n’a jamais l’impression de manger, de savourer. Il ne peut plus écraser, déchiqueter les bouchées parce qu’il n’a plus que quelques morceaux de dents. Les chirurgiens ont arraché, cassé les autres, et en même temps brisé ses mâchoires, crevé son palais.
    Il est donc contraint d’engloutir, sans être jamais rassasié, avec l’impression d’avoir toujours le ventre gonflé qu’il faut vider alors que la faim le tenaille.
    C’est ce ver aussi qui vit en lui, dans ses entrailles, qui lui donne cette sensation, disent les médecins. Il

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