Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi
une négociation de paix avec les Anglais, son accession au trône d’Espagne pourrait être une manière de trouver une issue à la guerre, l’Espagne restant ainsi toujours entre les mains d’un Bourbon.
Mais ce n’est pas cela que Louis reproche à Philippe d’Orléans.
Il a appris que ce dernier a insulté la princesse des Ursins et Mme de Maintenon, invitant ses officiers à lever leur verre à la santé du « con-lieutenant et du con-capitaine ».
Ce n’est pas admissible.
Il faut priver Philippe d’Orléans de son commandement et le rappeler à Paris.
Il le regrette car Philippe d’Orléans est bien le seul à remporter dans cette guerre des succès.
Partout ailleurs, c’est l’incertitude, la défaite, parfois la déroute. Louis a accepté que le fils de Jacques II, le roi défunt d’Angleterre, tente de débarquer en Écosse. Échec. La flotte anglaise bloque les navires français dans la rivière d’Édimbourg, et c’est miracle qu’ils réussissent à échapper à la bataille. Mais le rêve d’un débarquement s’effondre. Il faut fuir.
En Flandre, la situation est tout aussi incertaine.
Jour après jour, Louis suit à travers les dépêches la marche des quatre-vingt mille hommes qui sous le commandement du duc de Vendôme et du duc de Bourgogne progressent, occupant Gand et Bruges.
Mais il devine qu’entre Vendôme, vieux noble débauché mais officier aguerri, et le duc de Bourgogne, la rivalité, la jalousie, l’incompréhension, les désaccords se sont installés.
Il connaît son petit-fils. Il voit chaque jour son épouse, la duchesse de Bourgogne. Il aime Marie-Adélaïde, et il mesure aux traits tirés de la jeune femme son inquiétude.
Elle attend, comme toute la Cour, des nouvelles de l’armée.
Quand un courrier arrive, les courtisans s’agglutinent à la porte du grand cabinet.
Il est aussi impatient qu’eux ! Il sait que de l’issue de l’affrontement entre l’armée des ducs de Vendôme et de Bourgogne et celle du prince Eugène et de Marlborough peut dépendre le sort du royaume.
Le matin du 11 septembre 1708, alors qu’il est en train de revêtir son costume de chasse, un courrier arrive. Il le lit puis, quand il lève la tête, il découvre les visages anxieux des courtisans.
Il montre la dépêche.
— Afin qu’on ne me fasse pas parler mal à propos, commence-t-il, je vais vous dire ce que le courrier a apporté. Voilà assez de témoins. Mais au moins redites la chose comme je vais vous la dire. L’armée du duc de Bourgogne s’allongea hier le long de la Marque pour avancer sa marche d’aujourd’hui, mais le quartier général ne marcha point, aujourd’hui il a marché avec le reste de l’armée… Les ennemis sont retranchés. Le maréchal de Boufflers est averti que les armées sont en présence.
Il n’en sait pas davantage, mais il répète que le duc de Bourgogne est entré dans Gand et Bruges, et a conquis aussi Ypres.
Il voudrait croire que c’est de bon augure, mais près de lui il entend Mme de Maintenon murmurer :
— J’ai vu tant de fois prendre et reprendre les villes que je ne vois plus rien de stable.
Il voudrait ne pas partager ce sentiment. Mais des courriers, envoyés par le duc de Vendôme puis le duc de Bourgogne, lui font craindre que les dissensions entre les deux chefs ne conduisent à l’échec.
Et il a le sentiment déplaisant qu’il ne peut rien.
Qu’est-ce qu’un roi impuissant ? Le jouet des événements sur lesquels il n’a pas prise !
Il ne peut l’accepter, et il a peur d’y être contraint !
N’est-ce pas cela la vieillesse ? Vouloir et ne plus pouvoir, subir, être soumis à la maladie.
Il ne le veut pas.
Il prie.
Mais Dieu l’écoute-t-il encore ?
Il lit les dernières dépêches que les courriers hagards de fatigue ont apportées à bride abattue.
Eugène et Marlborough ont attaqué à Audenarde, enfoncé les lignes françaises.
Le duc de Vendôme et le duc de Bourgogne se sont opposés sur la conduite à tenir. Laissée sans ordres précis, accablée par des commandements contradictoires, l’armée française se débande. Le duc de Bourgogne ordonne la retraite qui se transforme en déroute. On abandonne les villes conquises, on se replie sur Lille que les troupes d’Eugène encerclent et où le maréchal de Boufflers tente de résister.
Louis s’interroge. Son petit-fils a-t-il failli, homme de cour plutôt que de guerre ?
Il apprend qu’à Paris on se
Weitere Kostenlose Bücher