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Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi

Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi

Titel: Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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du gouvernement, l’ascendant des ennemis, le soulèvement secret des peuples et l’irrésolution des généraux. »
    Il est persuadé que Fénelon dit vrai.
    Mais un grand roi ne peut laisser son royaume se défaire.
    Il luttera avec ce que Dieu lui accordera de force et de vie.
     

33.
     
     
    Il regarde la glace rouge, le vin gelé dans les verres et les carafes.
    Il voit dans la soupière le bouillon de poule lui aussi recouvert d’une couche de glaçons.
    Il lève les yeux.
    Mme de Maintenon assise en face de lui est enveloppée dans des fourrures, et le duc de Beauvillier et le duc de Chevreuse, assis à sa droite et à sa gauche, sont eux aussi emmitouflés.
    Le maréchal de Boufflers tousse, puis commence à parler.
    Il se trouvait chez son notaire, à Paris, dit-il.
    Il a entendu des cris, vu une foule composée de femmes de la Halle et de laquais sans emploi. Ils hurlaient en brandissant leurs poings : « Du pain ! Nous voulons du pain ! »
    Il est sorti dans la rue Saint-Denis, il est allé à la rencontre de l’émeute. Il a interrogé les meneurs.
    — Que se passe-t-il, que voulez-vous ?
    Ils ont réclamé du pain, crié : « Dites au roi notre misère ! »
    Il s’y est engagé.
    Il a remercié Dieu d’avoir pu apaiser la colère de ces gens, avant que les régiments des gardes-françaises et suisses, commandés par le lieutenant général de police, d’Argenson, qui étaient en marche, n’aient réprimé l’émeute à coups de mousquet.
    Le matin, on avait déjà relevé après leur intervention une quarantaine de morts, près du Palais-Royal.
     
    Tout le royaume a faim, dit le duc de Beauvillier.
    Louis devine que Mme de Maintenon va vouloir interrompre le duc.
    Il l’a déjà plusieurs fois surprise essayant de lui masquer la situation du royaume depuis que le grand hiver qui s’est abattu le 6 janvier 1709 sur le royaume a rendu la vie difficile à la plupart des sujets.
    Ici même, à Versailles, on mange du pain d’avoine !
    Et les paysans en sont à se nourrir d’herbe quand elle n’est pas pourrie par la neige. Le blé a disparu. Les accapareurs font avec le grain un cruel manège, s’enrichissant de la rareté qui a multiplié le prix du blé par huit depuis 1708 !
    — Dites-moi ce que vous savez de l’état du royaume, interroge Louis.
    Le roi doit savoir.
    Beauvillier commence à parler d’une voix d’abord hésitante, puis qui peu à peu prend de l’assurance.
    Il dit ce froid qui a paralysé tout le pays en une nuit de janvier, la température tombant à vingt degrés en dessous de zéro.
    Les arbres fruitiers ont tous gelé. Le tronc des chênes centenaires a éclaté comme si on avait placé dans l’âme de l’arbre une charge de poudre.
    Les loups sont sortis des forêts, ont attaqué les courriers, dévorant chevaux et cavaliers. La faim et le froid ont, assure-t-on, tué près de vingt personne par jour à Paris.
    Et l’hécatombe continue.
    — La misère, le désespoir et la colère sont partout, poursuit le duc de Beauvillier.
    Louis se souvient de ces cris lancés par des femmes de la halle, venues hurler leur faim contre les grilles de Versailles.
    À Paris, à Tours, dans la plupart des villes on pille les boulangeries.
    Place Maubert, une centaine de femmes ont écharpé, démembré un commissaire.
    On a découvert souvent dans les rues des cadavres raidis, morts de froid.
    Hier, on a trouvé à Versailles les corps de quatre pauvres petits ramoneurs savoyards.
    Beauvillier s’interrompt, montre le vin, le bouillon gelés, et le feu qui pourtant crépite dans la cheminée.
    — Personne, quel que soit son âge, ne se souvient d’avoir vécu une telle gelée, reprend le duc. La Seine est entièrement prise de glace. Il y a des morts et des malades dans toutes les maisons. Les pauvres n’ont plus rien à manger, et ce que l’on mange – il montre la soupière en or contenant le bouillon – est gelé.
    Louis sait cela.
    Depuis le début du grand hiver, il n’a cessé d’imaginer ce que devaient subir les sujets du royaume.
    Il a ordonné qu’on achète du grain hors de France, au Levant, mais les navires anglais font la chasse aux bateaux chargés de grain. Et l’argent manque pour payer le grain !
    Un convoi venu des Amériques, les navires chargés d’argent, a réussi à atteindre La Rochelle, forçant le blocus anglais, mais cela est insuffisant.
    Desmarets tente d’obtenir des prêts à des taux usuraires. Les

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