Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi
victoire aussi complète que celle-ci. »
Il est heureux dans les semaines qui suivent d’apprendre que le duc d’Orléans soumet le royaume de Valence, puis réussit à obtenir la reddition de Saragosse, la capitale du royaume d’Aragon.
Il veut marquer qu’il honore Philippe d’Orléans et, en compagnie du dauphin et de la Cour, il se rend auprès de la princesse Palatine pour, par cet hommage à la mère, saluer la gloire du fils qui vient d’encercler la ville de Lérida.
Si elle tombe, la couronne d’Espagne ne sera plus menacée. Elle restera sur la tête d’un Bourbon, petit-fils de Louis le Grand.
Il croit, durant quelques jours, que cette année 1707, comme il l’a pensé en janvier, sera bonne pour sa gloire et donc celle du royaume.
Les troupes de Villars s’enfoncent en Allemagne.
Philippe d’Orléans achève les travaux de siège autour de Lérida. Il va lancer l’assaut.
Mais tout à coup, la situation change.
Les troupes d’Eugène de Savoie, anglaises et piémontaises, pénètrent en Provence, occupent Nice, puis franchissent les Maures et l’Estérel et mettent le siège devant Toulon.
La flotte anglaise qui croise au large bombarde le port.
Il faut faire venir les troupes de Berwick d’Espagne, et celles de Villars d’Allemagne afin de briser l’encerclement de Toulon et d’effacer l’humiliation du royaume de France envahi.
Il sent que l’inquiétude revient.
Ses douleurs se font plus vives, s’accrochent à son corps, alors qu’à un hiver glacial et à un printemps froid succède un été torride, dont les marins disent qu’il est plus chaud et plus étouffant que celui qu’ils subissent dans les mers de l’Inde.
Les moissons pourrissent. La misère et la famine reviennent dans certaines régions.
Les paysans du Quercy se révoltent contre les impôts, menacent de « brûler et piller tous les contrôleurs et partisans et affirment qu’ils ne paieront pas autre chose que la taille à cause qu’ils meurent de faim ».
Il apprend par les rapports de l’intendant qu’en Anjou, les paysans succombent par centaines, « attaqués par une maladie pestilentieuse » qui ne dure que deux ou trois jours.
Il lui semble entendre les cris – « horribles », dit le rapport – poussés par les malades qui souffrent tant, « jusqu’à presque rendre les boyaux par le fondement ».
Il connaît la souffrance. Il peut imaginer celle des autres.
Il craint lorsqu’il apprend que le duc de Chartres, le fils de Philippe d’Orléans et de Mlle de Blois, duchesse d’Orléans, est atteint d’une forte fièvre, que ce ne soit le premier signe d’une épidémie.
Il pense aussitôt à son arrière-petit-fils, ce duc de Bretagne dont il ne pourrait pas supporter la mort.
Il faut qu’il le protège.
Il décide que le duc de Chartres devra quitter ses appartements proches de ceux du duc de Bretagne. Il se rend auprès de la duchesse d’Orléans, sa propre fille.
— Si je ne regardais que moi, commence-t-il, il ne serait pas question de transporter votre fils ; mais je dois compte à l’État qui me reprocherait d’avoir hasardé le duc de Bretagne pour trop ménager le duc de Chartres. Cependant, si la petite vérole avait paru, tout ce qu’on aurait pu dire ne m’aurait jamais fait consentir à exposer la vie de votre fils.
Il prend la main de la duchesse d’Orléans.
— Heureusement il a bien passé la nuit, prenons ce temps pour le faire transporter, il est de votre intérêt comme du mien d’éviter les reproches du public. Faisons porter votre fils dans l’appartement de M. de Marsan qui est de l’autre côté de la chapelle.
Il a fait ce qu’il doit, mais l’inquiétude a mille visages.
Il apprend ainsi que son premier écuyer, qui se rendait dans un carrosse royal de Versailles à Paris, a été enlevé dans la plaine non loin de Sèvres, par une bande d’une trentaine de huguenots venus de Hollande et commandés par un Allemand, colonel de l’armée des Provinces-Unies. Ils se sont trompés de proie : ils voulaient s’emparer du Grand Dauphin !
Telle est donc la faiblesse du royaume que l’ennemi puisse y faire le siège de Toulon, et ses affidés agir aux portes de Paris !
Il ne peut accepter cette situation. Il n’est d’autre solution que de continuer la guerre tout en proposant la paix à l’ennemi.
Il a offert au nouvel empereur Joseph I er de lui concéder tout le Milanais et, comme les Flandres sont déjà
Weitere Kostenlose Bücher