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Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi

Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi

Titel: Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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perdues, cela revient à admettre que l’héritage espagnol sera partagé, que l’Empire germanique en sera pour partie bénéficiaire, Philippe V restant roi d’Espagne.
    Mais Joseph I er et les Anglais ne semblent pas vouloir négocier.
    Alors il faut se battre.
    Philippe d’Orléans vient d’obtenir la capitulation de Lérida.
    Ce n’est pas suffisant pour contraindre l’ennemi à accepter la paix.
    Il faut subir la guerre. Et pour cela il faut de l’argent.
     
    Il a parcouru ce Projet d’une dîme royale dont Vauban serait l’auteur et qu’il aurait fait imprimer clandestinement à sept cents exemplaires à Paris.
    Louis sait que l’état du royaume que présente ce livre est conforme à la vérité.
    Le royaume est un océan de misère entourant quelques îles privilégiées.
    Mais comment imposer à chaque sujet, prince ou duc, évêque, parlementaire ou manouvrier, une dîme royale unique ?
    Il a bien voulu recevoir Vauban, l’écouter présenter son projet.
    Vauban était sincère mais il a dû le réprimander pour avoir par la publication de son livre troublé le royaume, car tous ceux qui échappent aux impôts se sont révoltés, au nom de leurs droits et de leurs privilèges.
    C’est au roi seul d’énoncer ce qui est bon et nécessaire pour le royaume, et non à un sujet, fût-il le glorieux maréchal de Vauban. Et, d’une voix qu’il a voulue la plus douce qu’il se pouvait, il a annoncé à Vauban que son Projet d’une dîme royale était condamné « à la saisie et au pilon ».
    Mais il a voulu que Vauban comprenne qu’il lui gardait son estime et son amitié.
     
    Louis est en train de souper quand il voit Fagon s’approcher.
    Le médecin porte le masque lugubre de celui qui annonce la mort.
    Louis se raidit.
    Fagon dit que Vauban est à la dernière extrémité.
    Encore un des témoins et des acteurs des premières années glorieuses du règne que la mort emporte.
    — Je perds un homme affectionné à ma personne et à l’État, murmure Louis.
    Sera-t-il le prochain à mourir ?
     

32.
     
     
    Il est debout au pied du lit de la princesse Palatine.
    Il a la tentation de détourner les yeux, de quitter cette chambre où depuis plusieurs jours un violent accès de fièvre retient alitée la mère du duc d’Orléans. Mais il s’oblige à regarder le visage de cette femme qu’il a connu rayonnant de santé et d’énergie, de gaieté aussi.
    Elle se soulève en grimaçant, se plaint de son corps trop lourd que la goutte paralyse.
    Elle a, dit-elle, des aphtes plein la bouche et des maux de gorge qui sont comme un feu brûlant jusqu’à sa poitrine.
    Elle tousse, continue de parler bien que sa voix soit éraillée, étouffée.
    — Sire, la guerre réussit mieux à mon fils que Paris.
    Louis sait que Philippe d’Orléans vit avec sa maîtresse dans une maison proche du Palais-Royal. À son habitude, il mêle l’amour, la débauche et l’étude. Il a fait installer des cornues dans une cave où il s’adonne à la chimie. Et il espère, après ses victoires de Valence, de Saragosse, de Lérida, obtenir un nouveau commandement en Espagne.
    — Sire, je le vois presque aussi peu que s’il était encore à Lérida, chuchote Madame.
    Elle laisse retomber sa tête sur sa poitrine, épuisée.
    Il la dévisage. Les joues sont empourprées, couperosées. Le front, les lèvres sont couverts de petits ulcères.
    Fagon se penche vers Louis.
    — Elle ne veut point être saignée, dit le médecin, ni faire de remède, et on craint que ce mal n’ait de la suite. Dès que Madame a un peu de soulagement, elle s’habille et écrit comme elle a coutume de le faire.
    Louis se tait.
    Il a tant lu de lettres de la Palatine qu’il lui semble avoir entretenu avec elle une conversation libre et tumultueuse. Elle a conservé aujourd’hui le style mordant, l’écriture ardente qu’elle avait autrefois, mais c’est la main d’une vieille femme qui tient la plume.
    Et tout à coup, il a l’impression que le souffle va lui manquer.
    Il se retient de fuir cette chambre. Il retrouve peu à peu sa respiration régulière. Mais la pensée qui l’a oppressé est restée en lui, au centre de sa poitrine, flèche rougie au feu : la Palatine a près de quinze ans de moins que lui. Et en cette année 1708 qui commence, il va avoir soixante-dix ans.
    Il s’efforce de ne plus y penser, d’arracher cette réalité brûlante de son esprit et de sa poitrine, mais à chaque instant elle

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