Ma mère la terre - Mon père le ciel
comment cette plume pouvait l'avoir aidée, il la glissa dans son amulette.
Plus tard, Shuganan lui raconta l'histoire des eiders et comment Chagak avait utilisé le bola. Il interrompit un instant son travail, consistant à ramener un des ikyan en haut de la colline, et songea à cette femme qui avait tout perdu et qui risquait de tout perdre à nouveau. Il se souvint combien de fois, après la mort de ses deux épouses, il avait envisagé la mort pour lui-même et pour son fils et il se demanda si Chagak avait éprouvé le même désespoir.
Il posa l'ikyak près des autres, cachés hors de vue. Ils en avaient laissé quelques-uns sur la plage, mais la plupart étaient sur les falaises. Quand les Petits Hommes arriveraient, ils verraient ceux qui étaient restés et penseraient qu'il y avait peu de chasseurs dans le village. Shuganan déclara que les guetteurs des Petits Hommes avaient probablement surveillé le village pendant quelques jours l'été précédent et savaient combien il y avait d'hommes dans les ulas, mais, si les ikyan n'étaient pas là, ils en concluraient que les hommes étaient partis à la chasse.
Kayugh retourna sur la plage et aida Longues Dents à installer les seconds troncs d'arbres entaillés dans chaque ulaq. Les deux hommes utilisèrent des haches de pierre pour ajouter de solides poignées en bois.
— Quand crois-tu qu'ils vont venir? demanda Longues Dents à Kayugh.
Mais Oiseau Gris qui s'était joint à eux répondit à la question avant que Kayugh n'ait pu parler.
— Ils ne viendront pas. Qui s'attaquerait aux Chasseurs de Baleines? Ils sont assez forts pour tuer des baleines, ils mangent de la viande de baleine depuis leur plus jeune âge. Qui peut résister à une telle force ?
Mécontent de cette réponse, Kayugh rétorqua :
— Shuganan a vécu chez les Petits Hommes, il sait ce qu'ils pensent et comment ils se battent. Nous l'ignorons.
Oiseau Gris haussa les épaules et cracha par terre :
— S'ils viennent je me battrai, mais je ne crois pas qu'ils viendront.
Kayugh vit Oiseau Gris serrer les mâchoires et sentit sa nervosité. Il parlait peut-être ainsi pour conjurer ses propres frayeurs. A quoi bon discuter avec lui ?
Kayugh termina le dernier échelon en haut du tronc d'arbre et attendit que Longues Dents ait fini le sien. Puis, sans parler, les deux hommes hissèrent le tronc sur leurs épaules et le portèrent dans l'ulaq de Nombreuses Baleines.
Lorsqu'elle était enfant, Chagak avait parfois souhaité être un garçon. Son père manifestait une fierté à l'égard de ses frères qu'il ne semblait pas éprouver pour elle. Mais quand elle était devenue femme, capable de porter des enfants, elle n'avait plus désiré être un homme.
Maintenant, en attendant avec les autres femmes, elle aurait souhaité à nouveau être un homme et aurait voulu se battre contre les Petits Hommes au lieu de rester assise, occupée à tisser en priant.
De temps en temps, Épouse Dodue, qui s'était proclamée le chef des femmes Chasseurs de Baleines, envoyait une des grandes fillettes sur la crête où se trouvaient les garçons afin de surveil-1er l'arrivée des ikyan. Mais chaque fois, la jeune fille revenait en secouant la tête. On ne voyait personne. Seulement les hommes au village qui attendaient.
Deux jours s'écoulèrent lentement. Chagak écouta les femmes Chasseurs de Baleines raconter comment elles étaient venues dans ces cavernes au cours des étés précédents, pour d'autres raisons. Elles parlèrent des marais salants, à moins d'une matinée de marche de là, et comment ils étaient remplis de nids de canards milouinans dont les œufs brun-vert étaient délicieux frits dans la graisse de baleine ou bouillis dans de l'eau de mer, et l'on en trouvait parfois dix dans un seul nid. Près de ces mêmes marais poussaient d'épais buissons de canneberges dont une espèce donnait des baies acidulées plus grosses que des airelles dont on tirait un remède pour les yeux.
En écoutant, Chagak tressait un panier, mais ses doigts semblaient lents comme si l'attente la rendait maladroite. De plus, le panier était mal fait et les autres femmes la regardaient du coin de l'œil et elle avait honte de sa maladresse.
La caverne était grande et peu profonde. Elle coupait le côté de la crête de sorte que quelqu'un venant du village ne verrait que l'arête et non la caverne. Elle était assez creuse pour être un abri contre le vent, mais elle laissait passer de
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