Ma mère la terre - Mon père le ciel
lance de son adversaire et sentit la pointe de l'arme glisser sur son bras gauche et l'entailler, faisant jaillir du sang.
Le Petit Homme frappa encore, piquant la pointe de son arme dans l'épaule de Kayugh, une douleur fulgurante le fit reculer et glisser sur la pente de l'ulaq.
Kayugh atterrit sur ses pieds et leva la lance de son bras valide. Si le Petit Homme continuait à se battre, il serait vulnérable avant d'atteindre le sol.
Le Petit Homme fit le geste de lancer son arme, mais accomplit une brusque volte-face pour attaquer Nombreuses Baleines par-derrière.
Kayugh retint son souffle, s'attendant à ce que le coup portât, mais Nombreuses Baleines esquissa deux pas de côté et sauta du toit pour courir aux côtés de Kayugh sans se soucier d'une blessure qui ensanglantait sa joue.
— Est-ce grave? demanda-t-il en désignant le bras de Kayugh.
— Rien de cassé, répondit celui-ci en gardant les yeux sur les Petits Hommes en haut de l'ulaq, deux silhouettes se détachaient dans le brouillard. Ils vont jeter leurs lances sur nous.
— Non, répondit Nombreuses Baleines. S'ils le faisaient ils n'auraient plus d'armes, mais seulement des couteaux. De plus ils nous distinguent sûrement mal dans le brouillard.
Utilisant sa lance, Nombreuses Baleines coupa un morceau de son tablier et s'en servit pour bander la blessure de Kayugh. La pression provoqua une violente douleur chez celui-ci et son estomac se noua.
— Cela va l'empêcher de saigner, expliqua Nombreuses Baleines.
Luttant contre une envie de vomir, Kayugh ne put répondre. La douleur semblait affecter son ouïe et brouiller sa vision. Il eut un vertige. La voix de Nombreuses Baleines semblait venir de très loin.
— Tu as perdu trop de sang.
Kayugh eut envie de se laisser tomber dans l'herbe sur le côté de l'ulaq, mais il pensa à son fils et à Chagak. Comment pourrait-il courir le risque de ne pas les défendre et de laisser tuer ces êtres chers par les Petits Hommes ? Il prit une profonde aspiration et se redressa. Ses forces parurent revenir.
— Il faut remonter sur le toit, dit-il à Nombreuses Baleines.
— Non, dit celui-ci, ils sont entrés dans l'ulaq.
— Shuganan!
Nombreuses Baleines secoua la tête.
— Il est vieux, mais c'est un chasseur. Nous ne pouvons l'aider, ils nous tueraient si nous tentions d'entrer dans l'ulaq. D'autres ont besoin de notre aide.
Oui, il y avait les autres. Kayugh entendait des cris étouffés, le bruit d'armes contre d'autres armes. Dans chaque ulaq, des hommes se battaient. Mais où étaient ceux qui se trouvaient sur les collines? Pourquoi n'étaient-ils pas venus se joindre à la bataille? Quelqu'un avait-il changé les plans?
Ses pensées furent interrompues par un brusque cri. Quelqu'un était blessé ou tué !
— Pêcheur de Coquillages, murmura Nombreuses Baleines, un de nos meilleurs chasseurs.
Tenant son bras gauche contre son corps, Kayugh s'efforça de ne pas penser à la douleur qui avait provoqué ce cri. Sa propre blessure semblait le priver d'une partie de ses forces et détruire l'espoir dans son esprit.
Quelle chance avaient-ils contre ces chasseurs d'hommes? Et ce village n'avait pas été attaqué par surprise comme la plupart des autres. Mais où étaient donc les hommes qui devaient descendre des collines? Étaient-ils des lâches qui attendaient que les Petits Hommes s'en aillent pour revenir vers les ulas ?
La douleur de sa blessure obligea Kayugh à s'appuyer lourdement contre l'ulaq et sa colère grandit devant sa propre faiblesse et contre les hommes qui ne venaient pas se battre.
— Où sont tes hommes? demanda-t-il. Ils devraient lancer une attaque.
— Ils ne nous voient probablement pas, répondit Nombreuses Baleines. Comment peuvent-ils deviner que la bataille a commencé ? Si nous les appelions, les Petits Hommes seraient prévenus de leur venue.
Oui, pensa Kayugh, troublé que sa douleur ait pu affecter son raisonnement. Qui pourrait voir quelque chose dans ce brouillard? Aucun des ulas n'était en feu. Le bruit de la bataille s'était résumé en quelques escarmouches, seul le cri de Pêcheur de Coquillages pouvait avoir été perçu comme un signal.
— Il faut crier, chuchota Kayugh. S'ils nous entendent, ils sauront que nous nous battons. Tout homme crie au cours d'une bataille.
Il éleva la voix et poussa un véritable hurlement qu'il répéta par deux fois. Comme s'ils comprenaient, les Chasseurs de Baleines se mirent à
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