Ma mère la terre - Mon père le ciel
Chose, chuchota Chagak, ce lait n'est peut-être pas aussi bon que celui de ta mère, mais c'est mieux que rien.
Elle accrocha l'attache sur son autre épaule et serra l'enfant contre sa poitrine en la berçant.
Chagak somnolait, les bébés au chaud contre son ventre, quand elle entendit du bruit dans l'ulaq. D'abord elle crut que c'était Coquille Bleue qui venait voir sa fille et elle détacha l'enfant pour la remettre dans son berceau à côté de Samig, mais des voix s'élevèrent et elle reconnut celles de Nombreuses Baleines et de Shuganan.
Elle couvrit Petite Chose avec les fourrures entourant le berceau et prit Samig dans ses bras. Il poussa un faible cri et se calma en trouvant son sein. Elle s'appuya de nouveau contre le mur et ferma les yeux, mais les voix des hommes l'empêchèrent de se rendormir.
— Ainsi, tu en es sûr? demanda Nombreuses Baleines.
— Il me l'a avoué avant que je ne le tue, affirma Shuganan.
Chagak comprit qu'il devait parler de Voit-Loin et elle songea au plan tortueux employé par Shuganan pour tuer Voit-Loin puis porta son regard sur son fils. « Samig est trop jeune, pensa-t-elle. Que sait-il de la mort d'un homme ? » Et soudain elle souhaita que Samig reste un bébé toujours accroché à son sein. Comment pourrait-elle le protéger quand elle ne le porterait plus et ne le soutiendrait plus avec son lait ?
Mais les paroles de son grand-père vinrent interrompre ses pensées.
— Bientôt, alors ?
— Oui.
Pendant un long moment personne ne parla, puis Chagak entendit une autre voix, celle de Kayugh:
— Y a-t-il un endroit dans les collines où les femmes et les enfants pourront se cacher? demanda-t-il.
— Oui, sans problème, répondit Nombreuses Baleines.
— Rien sur la plage, dit Shuganan.
Nouvelle pause.
— Ils viendront à la tombée de la nuit, lorsqu'il ne fait plus encore assez clair pour bien voir, reprit Shuganan. De cette façon, les chasseurs du village sont surpris et parfois, quand la bataille a commencé, ils tuent des hommes de leur propre village.
« Les Petits Hommes tuent tout le monde, y compris les enfants et les bébés. Ils mettent le feu aux toits des ulas et, quand les gens essaient de sortir, ils les égorgent un par un. »
— Il ne faut donc pas rester dans les ulas, décida Nombreuses Baleines. Mais s'ils arrivent ce soir, nous n'aurons pas le temps d'évacuer les femmes pour les mettre en sécurité.
— Ils ne viendront pas tant qu'il y aura des feux de camp sur la plage, car leur arrivée ne serait plus un secret.
— Alors je vais placer des veilleurs et nous entretiendrons les feux toute la nuit en poursuivant les danses jusqu'au matin.
— Il y a cinq grands ulas. Combien de chasseurs ?
— Dix-huit, répondit Nombreuses Baleines, plus trois hommes âgés qui ont encore la force de se défendre et quatre adolescents dont un est mon fils. Ils resteront dans la cabane de veille sur la crête de la colline. Ils surveillent les baleines, mais ils sont assez grands pour se battre.
— Envoie les hommes âgés pour protéger les femmes dans les collines, dit Kayugh. Certains Petits Hommes chercheront peut-être les femmes. Trois hommes âgés et les femmes contre deux ou trois guerriers devraient suffire à les maîtriser. Laissons les jeunes à leur place de surveillance, ils en ont l'habitude et ils nous préviendront quand l'ennemi arrivera.
— Et le reste des hommes? demanda Nombreuses Baleines.
— Certains devront se cacher sur les hauteurs qui entourent le village. Dix de tes meilleurs chasseurs devront se cacher à l'intérieur des ulas. Quand les Petits Hommes attendront sur le toit, ils sortiront avec leurs lances pour les surprendre et, quand la bataille aura commencé, nos hommes descendront des collines pour attaquer.
— De combien d'hommes disposent les Petits Hommes? demanda le grand-père de Chagak.
— Quand je vivais avec eux, ils étaient une vingtaine, répondit Shuganan.
— Ils mettront donc quatre hommes sur chaque ulaq?
— Deux ou peut-être trois, répondit Shuganan, les autres attendront entre les ulas pour tuer ceux qui tenteraient de s'échapper.
— Par conséquent, si nous plaçons deux hommes dans chaque ulaq nous nous battrons à deux contre deux ou trois, au moins au début ?
— Oui, dit Shuganan.
Il y eut un silence et Chagak pensa que les hommes n'avaient plus rien à se dire, chacun se contentant de ses propres pensées, mais soudain Kayugh reprit
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