Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Madame Catherine

Madame Catherine

Titel: Madame Catherine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
Vom Netzwerk:
en public. Mais elle savait bien, en elle-même, que le mal était fait, et que certaines flétrissures étaient impossibles à effacer.
    Le début de juillet fut marqué par de grandes fêtes à Paris. La capitale entière pavoisait au chiffre de la reine, couronnée quelque temps plus tôt ; aux démonstrations d’artillerie succédèrent d’impressionnants combats navals sur la Seine, aux grands défilés d’allégories multicolores, des feux d’artifice magnifiques et autres illuminations.
    Des lices pour les joutes avaient été bâties devant les Tournelles, sur l’imposante rue Saint-Antoine, dépavée tout exprès de la rue Saint-Paul à la Bastille. Les tribunes de la reine, sur la façade de l’hôtel royal, et celles des juges d’armes, sur celle de l’hôtel de Granville, rivalisaient de splendeur en tentures, en broderies, en oriflammes... Des passes grandioses s’y donnèrent, où le roi lui-même vint plusieurs fois défier les tenants du tournoi.
    Cependant, mêlées au programme, l’exécution publique d’un grand capitaine – accusé d’avoir abandonné Boulogne aux Anglais – et l’ouverture d’une chambre ardente au Parlement de Paris – visant à punir les Réformés –, firent planer sur les réjouissances comme un parfum de soufre. Ainsi la journée du 4, commencée par une procession solennelle, devait-elle aboutir à la livraison aux flammes de plusieurs hérétiques.
    On avait dressé cinq bûchers, rien que sur la place de Sainte-Catherine, le long des Tournelles. Celui réservé au tailleur trop bavard se trouvait au plus près du vieux palais. A la tombée du jour, on vit le roi s’installer à l’une des fenêtres ouvertes en surplomb, dans la compagnie de quelques gentilshommes et de sa favorite ; Diane se voulait d’humeur joyeuse et badine.
    — Voyons comment crame notre insolent ! gloussat-elle en se faufilant parmi les seigneurs.
    Le malheureux ouvrier, ligoté par des chaînes à un poteau massif, s’abîmait dans les psaumes. Tandis qu’on enduisait de poix ses hardes, il conserva le menton sur la poitrine, les yeux baissés vers le bûcher. Dans son dos les bourreaux, sur un signe des juges, étranglèrent ses quatre coreligionnaires – mais pour le tailleur, c’est vivant qu’il devait affronter les flammes. Du reste, les aides avaient déjà mis le feu aux fagots de petit bois.
    — Ses acolytes, expliqua Diane, ont eu la faiblesse – plutôt la sagesse – de se rétracter à temps. Aussi jouissent-ils du merveilleux privilège d’être garrottés {2} . Mais pour celui-ci...
    Diane fit une grimace qui aurait pu passer pour de l’empathie, mais n’avait pour objet, en vérité, que de détendre la compagnie.
    En bas, l’ouvrier tailleur grimaçait aussi. Le feu qui, déjà, lui attaquait la peau, l’assaillait de douleurs affreuses. Alors il releva la tête et, sans lâcher une plainte, se mit seulement à défier le roi, en personne, d’un regard noir et fixe. Henri s’en émut.
    — Il m’implore, mon Dieu ! Mais que veut-il, à me scruter ainsi ?
    — Maudit chien d’hérétique, siffla Diane dont les traits s’étaient figés en un masque d’exécration.
    — Mais que veux-tu ? Que me veux-tu, à la fin ? hurla le roi à l’adresse du condamné qui, enveloppé d’un nuage de fumée grise et grasse, conservait, en dépit de souffrances indicibles, les yeux rivés sur ceux du souverain.
    — Au vrai, cette odeur de grillé m’indispose, finit par prétexter Henri pour déserter la croisée.
    Plusieurs gentilshommes le suivirent à l’intérieur, trop heureux d’écourter la séance. La duchesse, elle, demeura inflexible, impavide dans le jour déclinant ; elle espérait vaguement que le supplicié allait la défier à son tour, tourner son affreux regard vers le sien, plus hautain que jamais.
    Mais le vaillant petit homme ne lui fit pas cette grâce.
    Lorsqu’il sentit que le roi battait en retraite, il laissa retomber sa tête en avant ; peut-être était-il en train de rendre l’âme... À voir ce que les flammes faisaient à présent de lui, de sa chair, de ses os qui craquaient, n’importe qui aurait voulu le croire.
    — Chien, sale chien d’hérétique, maugréa derechef, toute à sa haine, la duchesse de Valentinois.
    Pendant les deux ou trois nuits qui suivirent ce pénible épisode, Henri s’éveilla plusieurs fois en sursaut, hanté par le spectre de l’ouvrier tailleur, incapable de fuir cet oeil –

Weitere Kostenlose Bücher