Madame de Montespan
prononcée – par contumace – le 24 avril de cette même année 1662 : la condamnation à la décapitation.
Noirmoutier, qui tenait évidemment plus à sa peau qu’au coeur d’Athénaïs, parvint à franchir les Pyrénées, à descendre jusque dans le bas de la péninsule où il mit sa lame au service du Portugal et où, cinq ans plus tard, il livra, contre les Espagnols, son tout dernier combat. Quiconque se sert de l’épée périra par l’épée ! Or – l’histoire a ses hasards, le sort ses ironies – Antin, le duelliste planté sur place, avait un frère cadet, marquis de condition, et qui répondait au joli nom de Montespan (corruption de Mont-Espagne) . Ce pimpant gentilhomme gascon était alors âgé de vingt-deux ans : l’âge d’Athénaïs. Et nos deux jeunes gens se virent, se parlèrent sans doute du défunt, du fiancé exilé, se congratulèrent, se plurent... et se consolèrent. Ils se plurent tant que M. de Montespan, descendant des anciennes et puissantes maisons de Foix et de Comminges, fut bien vite agréé comme soupirant officiel.
Athénaïs est amoureuse, donc. Et puisqu’il est dit que l’amour favorise la beauté, on peut imaginer combien elle rayonnait. Au vrai, ce n’était pas une beauté, mais LA Beauté, comme l’a fort bien remarqué Arsène Houssaye qui s’est penché, avant nous, sur tous les portraits d’Athénaïs : « Un profil fier et noble, un front de marbre, de blonds cheveux jaillissant en gerbes rebelles aux morsures du peigne, des yeux mordants, tour à tour par l’esprit et la passion, un nez franco-grec aux narines mobiles comme des ailes d’oiseau, une bouche rieuse, toujours ouverte pour railler, montrant à demi des dents destinées à vivre cent ans, comme les perles ; un cou divinement attaché à des épaules d’un dessin ferme et d’un ton vivant. Quand il la peint Mignard dévoile son sein, parce qu’elle a le sein fort beau et fort orgueilleux, comme tout le reste... »
Gageons cependant qu’au jour de la Saint-Sylvestre, qui mettait un terme à l’an de grâce 1662, son sein était pudiquement voilé alors qu’elle eut l’honneur de quêter devant la cour, sous les voûtes de Saint-Germain-l’Auxerrois. Mais chacun fut sous le charme. Jean Loret ne nous contredira pas, ce poète préféré de Mme de Longueville, cet auteur, médiocre, de La Muse historique, car il ne se sentit plus d’admiration et composa dès le lendemain, pour notre quêteuse, quelques vers d’une rare platitude :
L’admirable Mortemart,
Très aimable, mignonne, car
C’est une des plus ravissantes,
Des plus sages, des plus charmantes
De toutes celles de la cour
Où l’on voit mille objets d’amour ;
Cette aimable, dis-je, mignonne,
Si rare et si belle personne,
Fit la quête ce saint jour-là...
Oh ! Que sa brillante jeunesse,
De libertés fut larronnesse !
Et que ses propos gracieux,
Et la douceur de ses beaux yeux,
Embellis de clartés divines,
Firent d’innocentes rapines,
Puisqu’il est vrai qu’au même instant,
Cet objet, toujours éclatant,
Qui de mille amours est la source,
Attaquait le coeur et la bourse !
Étonnant, non ? Mais l’intarissable Loret ne s’arrêtera pas en si mauvais chemin. On le retrouvera, en effet, à la date du 20 janvier 1663, composant quatre versiculets de mirliton destinés cette fois à célébrer le charme de Gabrielle, soeur aînée d’Athénaïs, devenue, depuis huit ans déjà, l’épouse du marquis de Thianges. On notera le mauvais calembour du rimailleur : Thianges, sous l’effet de son imagination malingre, se transformant en Ange !
Mortemart, cet Ange visible,
Qui toucherait le moins sensible,
Qu’on ne peut voir sans soupirer
Ni mêmement sans l’adorer.
Au chapitre de l’histoire littéraire, ou plus justement de la poésie historique, il nous restera à parcourir ces deux vers de Benserade, qui concernent eux aussi Gabrielle et ne sont pas, eux non plus, impérissables.
Thianges nous plaît, et la neige est moins blanche
Que n’est son teint, sa gorge et son beau front.
Mais quand il observe Athénaïs, alors là, le poète de Lyons-la-Forêt ne se maîtrise plus :
Dieu ! À quel comble est-elle parvenue ?
Jamais beauté n’eut de progrès si prompts.
Comme elle y va ! Si elle continue
Je ne sais pas ce que nous deviendrons.
L’an 1655 avait vu les deux aînés de Gabriel et de Diane convoler en justes noces : le gros Vivonne s’était allié à la fille du président de
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