Madame de Montespan
Molière donne L’Impromptu de Versailles , où Le Nôtre, penché sur sa planche à dessin, brosse les jardins du même Versailles ; c’est l’année où Louise de La Vallière accouche secrètement de Charles-Louis, son premier enfant du Roi.
Un mariage d’inclination que cette union d’Athénaïs et du jeune Pardaillan de Gondrin, duc d’Antin. Non pas un mariage d’argent, encore moins un mariage de rang. La preuve en est que si le Roi n’y fit pas opposition, il marqua nettement sa contrariété en s’abstenant, ainsi que Marie-Thérèse, Henriette et Monsieur, de signer au bas du contrat alors que la tradition, s’agissant de l’hymen de la fille d’un duc de cour, réclamait ses paraphes.
Sans doute Louis – qui n’éprouvait encore aucune attirance particulière pour Athénaïs – ne voyait-il pas d’un bon oeil cette alliance d’une Rochechouart-Mortemart avec un Montespan. Car, si le chef de la première maison avait été porté à la dignité de duc et pair, et partant, de « cousin du Roy », côté Montespan on était assez peu « paré en cour ». On peut aussi penser que la mauvaise humeur royale tenait au fait qu’autrefois les Pardaillan de Gondrin avaient un peu frondé et surtout, si l’on observe le contrat de ce mariage, on note la signature de « Monsieur l’illustrissime et révérendissime Louis-Henri de Gondrin, archevêque de Sens et primat des Gaules ». Or, l’âme de ce prélat inclinait notoirement vers le jansénisme, ce qui n’était pas du tout du goût de Louis XIV !
Pour ce qui regarde les chiffres, dot, douaire et autres rentes, l’affaire est bien compliquée. Toutes les clauses tendent à prouver que les deux familles « tripotèrent » copieusement sans avoir consulté les jeunes conjoints. Il y est question de très grosses sommes : 150 000 livres de dot d’une part, 15 000 livres de rente d’autre part ; la promesse, aussi, qu’un enfant mâle né de l’union hériterait la moitié des biens d’Antin..., etc. Mais il y eut tant de roueries dans toutes ces tractations que les jeunes mariés se retrouvèrent sans un liard au départ ! Avec l’espoir cependant de voir venir une rente de 22 500 livres l’an. Il n’y avait d’ailleurs pas là de quoi vivre sur un très grand pied si l’on sait qu’à l’époque le loyer d’un modeste deux pièces – à Paris – oscillait autour de 100 livres et que la simple location d’une voiture (un fiacre à quatre chevaux) coûtait 12 livres la journée.
Les jeunes gens, comme l’observe judicieusement Gonzague Truc, étaient donc assez « mal soutenus » et « s’engageaient dans une vie périlleuse ».
D’autant plus périlleuse que la bourse de M. de Montespan était bien obérée. Le marquis gascon était perdu de dettes !
Des dettes qu’il ne pouvait payer... et partant, il ne parvint pas à s’enrichir ! Au contraire même, il redoubla d’ardeur en ses dépenses. Les unes légitimes, certes, celles qui devaient lui permettre d’établir son foyer, mais les autres étaient folles ! Il avait pris, naguère, l’habitude de jouer, de jouer gros... et de perdre. Cette habitude, il ne la perdit pas. Bientôt il sera contraint d’emprunter, à droite et à gauche, de quémander des avances, de déshabiller saint Pierre pour habiller saint Paul. Le 17 août 1663, soit sept mois à peine après son mariage, on le voit solliciter 4 000 livres de Marguerite Barreau, « une bourgeoise de Paris ». Deux jours plus tard il ouvre un compte de 650 livres auprès du non moins bourgeois Pierre Chauveau. Mais cela ne suffira pas. La bourse de Montespan était telle le tonneau des Danaïdes. Le 21 août il se rendra chez le sieur Charles Seignerolles – Athénaïs l’accompagnant – pour s’endetter de 7 750 livres « en vrai, pur et loyal prêt fait par ledit seigneur créancier auxdits seigneur et dame débiteurs ».
La famille se porte-t-elle garante ? Non point, s’il faut croire les actes signés, puisque les cautions de ces derniers crédits étaient données par deux marchands du Pont-au-Change répondant au nom de Chevillet et deux artisans du pont Notre-Dame : les Pantacellin. Dernier crédit ? Que dire alors de la visite que Montespan – le 30 août – fit à Vivonne, son beau-frère, et à l’issue de laquelle il repartait muni de 500 livres remboursables. Tout s’effritait déjà. Il prétextera aussi d’énormes frais de campagne, en Lorraine ou
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