Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
Vom Netzwerk:
juger par un conseil de guerre.
    – Commandant, s’écria l’oncle en étendant
le bras, la preuve qu’il y a deux Rhéethâl, c’est qu’on les voit
sur toutes les cartes du pays.
    Il montrait notre vieille carte accrochée au
mur.
    Alors le républicain se retourna dans son
fauteuil et regarda en disant :
    – Ah ! c’est une carte du
pays ? Voyons un peu.
    L’oncle alla prendre la carte et l’étendit sur
la table, en montrant les deux villages.
    – C’est juste, dit le commandant, à la
bonne heure ; moi je ne demande pas mieux que de voir
clair !
    Il s’était posé les deux coudes sur la table,
et, sa grosse tête entre les mains, il regardait.
    – Tiens, tiens, c’est fameux, cela !
disait-il. D’où vient cette carte ?
    – C’est mon père qui l’a faite ; il
était géomètre.
    Le républicain souriait.
    – Oui, les bois, les rivières, les
chemins, tout est marqué, disait-il ; je reconnais ça… nous
avons passé là… c’est bon… c’est très bon !
    Et se redressant :
    – Tu ne te sers pas de cette carte,
citoyen docteur, fit-il en allemand ; moi j’en ai besoin et je
la mets en réquisition pour le service de la République. Allons,
allons, réparation d’honneur ! Nous allons boire encore un
coup pour cimenter les fêtes de la Concorde.
    On pense avec quel empressement Lisbeth
descendit à la cave chercher une autre bouteille.
    L’oncle Jacob avait repris son assurance. Le
commandant, qui me regardait alors, lui demanda :
    – C’est ton fils ?
    – Non, c’est mon neveu.
    – Un petit gaillard solidement bâti.
Quand je l’ai vu tout à l’heure arriver à ton secours, cela m’a
fait plaisir. Allons, approche, dit-il en m’attirant par le
bras.
    Il me passa la main dans les cheveux, et dit
d’une voix un peu rude, mais bonne tout de même :
    – Élève ce garçon-là dans l’amour des droits
de l’homme. Au lieu de garder les vaches, il peut devenir
commandant ou général comme un autre. Maintenant toutes les portes
sont ouvertes, toutes les places sont à prendre ; il ne faut
que du cœur et de la chance pour réussir. Moi, tel que tu me vois,
je suis le fils d’un forgeron de Sarreguemines ; sans la
République, je taperais encore sur l’enclume ; notre grand
flandrin de comte, qui est avec les habits blancs, serait un aigle
par la grâce de Dieu, et moi je serais un âne ; au lieu que
c’est tout le contraire par la grâce de la Révolution.
    Il vida brusquement son verre, et fermant à
demi les yeux avec finesse :
    – Ça fait une petite différence,
dit-il.
    À côté du jambon se trouvait une de nos
galettes, que les Républicains avaient cuites d’abord avec la
première fournée ; le commandant m’en coupa un morceau.
    – Avale-moi ça hardiment, dit-il tout à
fait de bonne humeur, et tâche de devenir un homme !
    Puis se tournant vers la cuisine :
    – Sergent Laflèche ! s’écria-t-il de
sa voix de tonnerre.
    Un vieux sergent à moustaches grises, sec
comme un hareng saur, parut sur le seuil.
    – Combien de miches, sergent ?
    – Quarante.
    – Dans une heure il nous en faut
cinquante ; avec nos dix fours, cinq cents : trois livres
de pain par homme.
    Le sergent rentra dans la cuisine.
    L’oncle et moi, nous observions tout cela sans
bouger.
    Le commandant s’accouda de nouveau sur la
carte, la tête entre les mains.
    Le jour grisâtre commençait à poindre
dehors ; on voyait l’ombre de la sentinelle se promener l’arme
au bras devant nos fenêtres. Une sorte de silence s’était
établi ; bon nombre de Républicains dormaient sans doute, la
tête sur le sac, autour des grands feux qu’ils avaient allumés,
d’autres dans les maisons. La pendule allait lentement, le feu
pétillait toujours dans la cuisine.
    Cela durait depuis quelques instants,
lorsqu’un grand bruit s’éleva dans la rue ; des vitres
sautèrent, une porte s’ouvrit avec fracas, et notre voisin, Joseph
Spick, le cabaretier, se mit à crier :
    – Au secours ! au feu !
    Mais personne ne bougeait dans le
village ; chacun était bien content de se tenir tranquille
chez soi. Le commandant écoutait.
    – Sergent Laflèche ! dit-il.
    Le sergent était allé voir, il ne parut qu’au
bout d’un instant.
    – Qu’est-ce qui se passe ? lui
demanda le commandant.
    – C’est un aristocrate de cabaretier qui
refuse d’obtempérer aux réquisitions de la citoyenne Thérèse,
répondit le sergent d’un air

Weitere Kostenlose Bücher