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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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et les lissaient en se
crachant dans la main ; Horatius Coclès, qui se trouvait en
tête de la bande, fredonnait un air, et ses camarades répétaient le
refrain à la sourdine.
    Près d’eux, contre deux vieilles futailles,
dormait un petit tambour d’une douzaine d’années, tout blond comme
moi, et qui m’intéressait particulièrement. C’est lui que
surveillait la cantinière et dont elle raccommodait sans doute une
culotte. Il avait son petit nez rouge en l’air, la bouche
entrouverte, le dos contre les deux tonnes et un bras sur sa
caisse ; ses baguettes étaient passées dans la buffleterie, et
sur ses pieds, couverts de quelques brins de paille, était étendu
un grand caniche tout crotté, qui le réchauffait. À chaque instant
cet animal levait la tête et le regardait comme pour dire :
« Je voudrais bien faire un tour dans les cuisines du
village ! » Mais le petit ne bougeait pas ; il
dormait si bien ! Et comme, dans le lointain, quelques chiens
aboyaient, le caniche bâillait ; il aurait voulu se mettre de
la partie.
    Bientôt deux officiers sortirent de la maison
voisine ; deux hommes élancés, jeunes, la taille serrée dans
leur habit. Comme ils passaient devant la maison, le commandant
leur cria :
    – Duchêne ! Richer !
    – Bonjour, commandant, dirent-ils en se
retournant.
    – Les postes sont relevés ?
    – Oui, commandant.
    – Rien de nouveau ?
    – Rien, commandant.
    – Dans une demi-heure on se remet en
marche. Fais battre le rappel, Richer. Entre, Duchêne.
    L’un des officiers entra, l’autre passa sous
le hangar et dit quelques mots à Horatius Coclès. Moi, je regardais
le nouveau venu. Le commandant avait fait apporter une bouteille
d’eau-de-vie ; ils en buvaient ensemble, lorsqu’une sorte de
bourdonnement s’entendit dehors : c’était le rappel. Je courus
voir ce qui se passait. Horatius Coclès, devant cinq tambours, dont
le petit tenait la gauche, la canne en l’air, ordonnait le
roulement. Tant que la canne fut levée, il continua. Les
Républicains arrivaient de toutes les ruelles du village ; ils
se rangeaient sur deux lignes, devant la fontaine, et leurs
sergents commençaient l’appel. L’oncle et moi, nous étions
émerveillés de l’ordre qui régnait chez ces gens ; à mesure
qu’on les appelait, ils répondaient si vite, que c’était comme un
murmure de tous les côtés. Ils avaient repris leurs fusils et les
tenaient à volonté, sur l’épaule ou la crosse à terre.
    Après l’appel, il se fit un grand silence, et
plusieurs hommes, dans chaque compagnie, se détachèrent sous la
conduite des caporaux, pour aller chercher le pain. La citoyenne
Thérèse attelait alors sa mule à la charrette. Au bout de quelques
instants, les escouades revinrent, apportant les miches dans des
sacs et des paniers. La distribution commença.
    Comme les Républicains s’étaient fait la soupe
en arrivant, ils se bouclaient l’un à l’autre leur miche sur le
sac.
    – Allons ! s’écria le commandant
d’un ton joyeux, en route !
    Il prit son manteau, le jeta sur son épaule,
et sortit sans nous dire ni bonjour, ni bonsoir.
    Nous pensions être débarrassés de ces gens
pour toujours.
    Au moment où le commandant sortait, le
bourgmestre vint prier l’oncle Jacob de se rendre bien vite chez
lui, disant que la vue des Républicains avait rendu sa femme
malade.
    Ils partirent ensemble aussitôt. Lisbeth
arrangeait déjà les chaises et balayait la salle. On entendait
dehors les officiers commander : – En avant,
marche ! Les tambours résonnaient ; la cantinière
criait : « Hue » ! et le bataillon se mettait
en route, quand une sorte de pétillement terrible retentit au bout
du village. C’étaient des coups de fusil, qui se suivaient
quelquefois plusieurs ensemble, quelquefois un à un.
    Les Républicains allaient entrer dans la
rue.
    – Halte ! cria le commandant, qui
regardait debout sur ses étriers, prêtant l’oreille.
    Je m’étais mis à la fenêtre, et je voyais tous
ces hommes attentifs, et les officiers hors des rangs autour de
leur chef, qui parlait avec vivacité.
    Tout à coup un soldat parut au détour de la
rue ; il courait, son fusil sur l’épaule.
    – Commandant, dit-il de loin, tout
essoufflé, les Croates ! L’avant-poste est enlevé… ils
arrivent !…
    À peine le commandant eut-il entendu cela
qu’il se retourna, courant sur la ligne ventre à terre et
criant :
    – Formez le

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