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Mademoiselle

Mademoiselle

Titel: Mademoiselle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacqueline Duchêne
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son âge, s'étonna Anne-Louise, et avec tous ses malheurs ? Alors que son époux Charles I er est chassé de son trône, prisonnier de Cromwell ! Avec son rang, elle s'affiche avec un homme qui ne la vaut pas ?
    — Justement, répliqua Cécile en éclatant de rire. Elle a dans ses malheurs besoin de tendresses. Son ministre est trop honoré de lui en donner.
    — Je comprends, murmura la jeune fille.
    — Réfléchissez, continuait Gillonne, et comparez avec notre reine. Ce n'est un secret pour personne qu'Anne d'Autriche aussi se plaît en la compagnie de son ministre, le cardinal Mazarin. Elle le garde chaque soir avec elle une heure ou deux après que les courtisans se sont retirés. Il est vrai qu'elle passe ensuite un bon moment à prier dans son oratoire...
    C'est donc cela, songea Anne-Louise. Partout, en tout, ma tante cherche à imposer les décisions de son favori, ses projets pour la conduite du royaume et l'éducation du roi. Mme de Motteville ne l'a-t-elle pas trouvée, par hasard, un après-midi dans son lit, avec Mazarin pour toute compagnie ?
    La jeune fille s'indignait. Quand on est reine mère de France, a-t-on besoin d'un Italien qui, en outre, parle si mal le français ? De savoir que la reine aimait tant ce Mazarin le lui faisait détester davantage.
    Décidément, se disait-elle, elle ne comprenait rien à l'amour.
    Et que penser de son père, le duc d'Orléans, qui papillonnait au moindre jupon et venait de s'amouracher d'une suivante d'Anne d'Autriche ? Que penser de sa rage en voyant entrer chez lui, au Luxembourg, le marquis de Jarzé dont il était jaloux ? Sur-le-champ, il avait commandé de le faire jeter par la fenêtre et, devant le refus de ses gentilshommes, en avait donné l'ordre à ses gardes. Heureusement, La Rivière était intervenu et avait fait sortir Jarzé... par la porte. Comment pouvait-on perdre la tête à ce point ?
    La gloire, du moins, elle comprenait. Elle y croyait ! Quand elle accompagnait Anne d'Autriche, friande de théâtre, aux représentations de Corneille, et qu'elle voyait ses héroïnes préférer leur réputation à leur passion, l'Infantesacrifier son amour pour le Cid à la raison d'État, Anne-Louise vibrait de tout son être. Elle admirait ces femmes fortes. Plus tard, elle serait comme elles, elle orienterait son destin pour sa plus grande gloire.
    Pourtant, quand le roi de Pologne voulut se marier à une princesse française et que Mazarin lui proposa Mademoiselle, petite-fille d'Henri IV — quoi de mieux ? — la jeune fille de dix-huit ans regimba. Elle avait réfléchi depuis la tentation espagnole. La gloire oui, mais pas à ce prix.
    — Comment ? répliqua-t-elle au cardinal, me faire épouser un prince si vieux, accablé de goutte et de graisse, chagrin, dit-on ! Aller dans un pays si froid, si barbare, peuplé d'animaux étranges, où l'on mange toutes espèces de viandes inconnues ! Votre Éminence n'y songe pas.
    Son Éminence, furieuse de n'être pas obéie, dut choisir une autre princesse. Ce fut Marie de Gonzague, fière de cette élévation inattendue. Inconsciemment jalouse de lui voir rafler cette couronne, Mademoiselle n'eut pas assez de sarcasmes pour se moquer d'elle, du représentant du roi Ladislas et des Polonais de son escorte. Conviée à fêter le mariage, elle se déroba. Elle se sentait tellement au-dessus de la mariée !
    Son père l'obligea à se rendre, un soir, à une comédie jouée en l'honneur de la nouvelle souveraine. Ce qu'elle fit sans plaisir. Comme il n'y avait de places dans la tribune royale que pour les deux reines, Anne d'Autriche demanda à sa nièce de descendre dans la salle. La jeune fille n'y vit que des étrangers ou des dames du commun. Pas une seule princesse. Elle quitta aussitôt le théâtre.
    Toujours à l'affût des réactions de sa tante, Anne-Louise devina son mécontentement, en souffrit, redouta un déclin de son affection.
    Pour la regagner, il lui aurait fallu montrer de la douceur,une plus grande humilité. Au contraire, elle crut bon d'afficher sa grandeur en se raidissant sur des points mesquins d'étiquette et en créant des incidents à chaque cérémonie. Le plus sûr moyen d'accroître l'agacement de la reine.
    Quelle idée lui passa par la tête de proclamer sur le parvis de Notre-Dame, au sortir d'un office, devant toute la cour, qu'elle était en France la première princesse du sang, la seule à pouvoir faire porter la traîne de sa robe, à disposer de

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