Mademoiselle
violons. Incident vite oublié. Anne-Louise fit signe à son intendant. Presque immédiatement après, arrivèrent huit autres pyramides aussi magnifiquement garnies...
C'était sa première réception officielle. Elle la donnait en l'honneur de son père.
3
Charles d'Angleterre
— Vraiment, ma tante, le conseiller de mon père, l'abbé La Rivière, me le garantit. On songe à moi en Espagne pour remplacer cette pauvre reine, qui vient de mourir. Elle était fille d'Henri IV, j'en suis la petite-fille. En France, c'est moi la première princesse du sang. D'ailleurs, un envoyé espagnol désire parler à Monsieur dans ce sens.
La reine écoutait posément sa nièce. À Fontainebleau, où elle passait le mois d'octobre et dont elle aimait le séjour, il lui était facile de se montrer calme, rassurante.
— Nous verrons, ma fille...
Elle ne voulait pas bousculer l'adolescente. Mais elle lui expliqua que Mazarin empêcherait un pareil mariage. La France était en guerre avec l'Espagne. Pas question que les millions de Mademoiselle passent en pays ennemi et servent à l'armement ou à la solde de ses troupes. Anne d'Autriche, espagnole par sa naissance, le regrettait peut-êtreau fond de son cœur, mais la régente de France, attachée passionnément à ses fils, le comprenait fort bien.
La déception se lut sur les traits de la jeune fille. Mazarin après Richelieu, ces cardinaux-ministres, toujours à la contrarier !
Mme de Motteville vint à la rescousse :
— Avez-vous songé, Mademoiselle, combien il est difficile à une princesse de quitter son royaume, de s'accoutumer à vivre à l'étranger ? Vous devriez adopter une langue, des horaires, des façons de manger, de s'habiller, différents. Votre position élevée ne vous y aiderait pas. Vous seriez soumise à ces contraintes plus qu'une humble personne. Parce que vous devriez donner l'exemple.
La colère d'Anne-Louise contre Mazarin ne tombait pas, mais elle se força à acquiescer. Monter sur un trône, son rêve... À défaut d'un prince de roman, à défaut de son cousin Louis, le roi d'Espagne lui aurait convenu. Elle l'avait cru un moment. Pourtant, en regagnant sa chambre, elle se dit que Philippe IV avait — combien déjà ? — vingt-deux ans de plus qu'elle. Elle n'en avait que dix-sept. Que de temps devant elle !
Et puis la Motteville n'avait pas tort. Il était dangereux de vivre à l'étranger. Il n'y avait qu'à voir le sort d'une de ses tantes, la malheureuse reine d'Angleterre. Les républicains, là-bas, avaient renversé la royauté, emprisonné son mari, donné le pouvoir à Cromwell, et elle avait été obligée de se réfugier, avec sa plus jeune fille, en France, son pays natal, humiliée, malheureuse et ruinée.
Anne-Louise lui rendit visite quelque jours plus tard, au Palais-Royal où Anne d'Autriche, sa belle-sœur, lui avait accordé l'hospitalité. Étonnée, la jeune fille l'entendit vanter ses prospérités passées, le luxe de sa cour de Londres. Oubliait-elle qu'elle ne survivait désormais que grâce à l'argent de la régente ?
Elle énuméra ensuite longuement les qualités des enfants qui lui restaient.
— Aujourd'hui, ils sont tous, sauf ma petite Henriette, à se cacher à travers l'Europe. Mais j'aimerais que vous rencontriez mon fils aîné, Charles, le prince de Galles. Il a tant de charme. Vous l'apprécieriez.
Que voulait-elle dire ? Étaient-ce des avances ? Anne-Louise s'en ouvrit à Cécile de Montglas et à Gillonne de Fiesque, ses dames d'honneur, de huit ans ses aînées. Curieusement, la première était la belle-fille de son ancienne gouvernante, sa chère Saint-Georges, la seconde, veuve très jeune et remariée au comte Léon de Fiesque, la belle-fille de sa gouvernante actuelle.
Les jeunes femmes, aussi brunes que belles, faisaient des confidentes idéales qui n'avaient pas froid aux yeux et ne s'embarrassaient pas de fidélité conjugale. Elles enseignaient à Anne-Louise ce que ses gouvernantes ne lui avaient pas appris sur les délices de l'amour, et lui expliquaient bien des comportements de son entourage.
— Renseignez-moi, mes très chères, leur demanda-t-elle. Connaissez-vous cet Anglais, poli et attentif, qui ne quitte pas d'une semelle ma tante d'Angleterre ? Quel est son office ?
— Comment, vous ne le savez pas ? C'est lord Jermyn, son gentilhomme servant. Il est du dernier bien avec elle... enfin, ne faites pas l'innocente, vous voyez ce que je veux dire...
— À
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