Mademoiselle
ardemment désiré, Louis Dieu-donné. Elle avait tant prié Dieu pour l'avoir, fait tant d'offrandes pieuses, tant de pèlerinages, et jusqu'à Cotignac au fin fond de la Provence. Un miracle que le roi, au sortir d'une visite à sa maîtresse, ait été pris à cheval dans un violent orage, devant le Louvre, et contraint de se jeter dans le lit de sa femme !
Vingt-trois ans qu'ils étaient mariés. Son fils venait de naître. Et elle qui approchait de la quarantaine n'aurait pas assez d'années pour remercier le Ciel de ce présent.
— Qu'il est beau, s'extasia Anne-Louise. Oh, voyez, ma tante. Si je m'éloigne, le voilà qui crie encore. Il veut que je le regarde et que je reste près de lui.
— Oui, il a besoin de vous. Il a besoin qu'on l'admire. Il sera le plus grand roi de la terre. Vous l'épouserez et vous serez ma belle-fille.
L'enfant sauta de joie.
— Alors, c'est mon petit mari, Madame.
La reine lui sourit. Le bébé s'était apaisé. Anne-Louise regarda autour d'elle. Quelques pièces de la layette offerte par le pape au fils aîné du roi de France traînaient çà et là : mantes, langes, coussins, draps, en taffetas de Florence cramoisi, en toile d'Angleterre ou de Cambrai, en velours, en toile d'argent bordée de dentelle ou parsemée de lames d'or. Éclatantes, somptueuses. Un peu trop peut-être pour un si minuscule nourrisson, songea la petite fille.
Mme de Saint-Georges suivait son regard.
— La toilette qui servira au baptême, rouge aussi et garnie d'une immense dentelle d'or, est exposée au Louvre. Avec la quarantaine d'autres vêtements qui sontarrivés de Rome dans trois caisses recouvertes de velours écarlate, précisa-t-elle avec fierté.
Anne-Louise remarqua sur le maillot de Louis le cordon bleu du Saint-Esprit, signe de son appartenance royale. On le lui remettrait solennellement plus tard. Pour l'heure, à part la tête recouverte d'un béguin de dentelles, le bébé était emprisonné dans les langes qui le recouvraient depuis le cou jusqu'aux pieds.
On ne voyait ni ses bras ni ses mains tenus serrés contre son corps par le maillot. Il n'était qu'un bloc de linge blanc et raide.
— Indispensable pour habituer le nouveau-né à se tenir debout sur ses deux pieds comme un être humain, expliqua encore la gouvernante. Sinon, il marcherait peut-être à quatre pattes comme un animal ! Le changer bien sûr est toute une affaire, et on le laisse longtemps dans ses ordures.
Pourtant, songea la fillette, les servantes ne manquent pas. Elle en vit sept ou huit en cercle autour de la nourrice, la dame Longuet, dont un peintre de l'atelier de Beaubrun faisait le portrait. Elles l'admiraient et l'enviaient.
Richement vêtue de satin paille recouvert de dentelles aux poignets, le sein droit sorti de son corsage, la nourrice affichait un air satisfait. La place du dauphin dans ses bras était prévue sur la toile. On peindrait l'enfant royal plus tard. Pour l'heure, la séance de pose était terminée. Le peintre s'en alla.
Les femmes à présent se taisaient, attentives à la paix du lieu et de l'instant. Peu à peu, le soleil déclinait. Mais aux murs de la chambre, les peintures de Simon Vouet, avec leurs couleurs vives et contrastées, leurs bandeaux de guirlandes et de putti, resplendissaient encore. Leurs personnages mythologiques veillaient, de leurs sourires triomphants ou de leurs bras dressés, sur la femme et lesdeux enfants. Le nourrisson et sa mère poursuivaient leur rêve de bonheur. Anne-Louise goûtait le bien-être d'une affection maternelle et l'espoir d'un avenir radieux.
Désormais, la chasse avec le roi ne l'intéressa guère. Le lendemain et les jours suivants, elle revint auprès de sa tante et de son cousin, cherchant à retrouver ces moments de grâce. Et, toujours, la magie opérait. Le calme de la chambre, les arbres du parc au loin, l'affection de la reine, jusqu'à l'odeur du bébé, tout emplissait son âme de joie. Ensuite, partout dans Saint-Germain, elle proclamait que le dauphin était son « petit mari ».
Afin de plaire à leur souveraine, les courtisans, connaissant sa tendresse pour Anne-Louise, applaudissaient. L'humeur toujours maussade de Louis XIII daignait s'en amuser.
Mais le « petit mari » arriva aux oreilles du tout-puissant ministre, le cardinal de Richelieu. Depuis Rueil, où il séjournait pour l'été, il s'en mécontenta et ordonna que l'on ramenât la fillette à Paris. Pas question qu'à onze ans elle
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