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Mademoiselle

Mademoiselle

Titel: Mademoiselle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacqueline Duchêne
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distrait. Les mots qu'elle n'avait jamais prononcés, qu'on ne lui avait jamais dits, la grisaient. Elle se les répétait en secret.
    Elle s'amusa d'une querelle entre deux dames, l'une défendant la réputation de sa fille, l'autre l'attaquant. On crut que l'affaire s'était apaisée quand, un après-midi d'été, au jardin de Renard justement, Anne-Louise les vit refuser de partager la même collation. Aucune ne voulait céder sa place.
    Pendant deux heures, les invitées tentèrent de les réconcilier. En vain. Les plus gourmandes subissaient le supplice de Tantale devant toutes les bonnes choses qui commençaient à fondre avec la chaleur et malgré les tentes de toile dressées au-dessus des tables. La reine, excédée, décida que l'on se séparerait sans faire collation.
    Le comble fut que la médisante resta et mangea effrontément rissoles aux abricots, dragées et citrons doux. La digestion fut difficile. Le lendemain, un ordre royal l'exilait dans l'une de ses maisons.
    À ces réunions de femmes, Anne-Louise n'aurait pas aimé être chaperonnée par sa belle-mère. Par bonheur, il n'en fut jamais question. L'indolente Marguerite passait son temps au lit et à engloutir force nourritures pour guérir ses vapeurs.
    — Même en litière elle ne se risque pas à parcourir la distance du Luxembourg au Louvre pour me saluer, disait Anne d'Autriche à sa nièce.
    — Oui, et si par hasard elle se rend en visite, elle mange chez les gens le pain qu'elle a toujours dans ses poches. Encore mieux, ma tante ! Dès que son maître d'hôtel frappe le sol de son bâton pour annoncer que le dîner est servi, elle retourne en courant dans sa chambre se soulager. « À croire, dit le brave homme, que mon bâton est en séné. Dès qu'elle le voit, elle est purgée. »
    Anne-Louise s'esclaffait avec la reine à en perdre haleine. Au fond, elle était ravie. Ce n'était pas cette demoiselle de Lorraine qui lui ravirait le cœur de son père adoré. Il restait pour elle le héros parfait, même si elle le jugeait parfois cruel.
    Quand Mme de Saint-Georges, qu'elle adorait, mourut, il lui donna comme gouvernante, sans lui demander son avis, la sévère et rébarbative Anne de Fiesque.
    Son comportement hérissa l'adolescente. Délibérément la vieille la traita en enfant, exigea le signe de croix au réveil, dressa l'inventaire de ses bijoux afin qu'elle ne puisse en disposer librement, et, s'étant aperçue que la jeune fille écrivait beaucoup, confisqua la clé de son écritoire pour contrôler ses papiers.
    Elle la consignait sans raison dans sa chambre, la privait de sortie au Cours-la-Reine — la promenade à la mode qui longeait la Seine au-delà des Tuileries —, et mettait toutes sortes de conditions à ses rencontres avec ses amies.
    Anne-Louise se rebellait. Une fois, elle enferma dans deux pièces séparées la gouvernante et le petit-fils qu'on lui avait donné à garder ce jour-là. Ce furent de belles criailleries.
    À chaque conflit, Monsieur soutenait Mme de Fiesque. Alors, elle enrageait contre son père bien-aimé, tout en conservant pour lui un amour infini. Des tendresses d'adulte même, qui la poussaient à prendre toujours son parti quand il se querellait avec la cour, et surtout à rivaliser avec sa belle-mère pour lui témoigner son admiration.
    Quand Gaston eut gagné la bataille de Gravelines, il y eut un Te Deum à Notre-Dame. Le soir, en signe de réjouissance, sa femme ordonna de mettre à chaque fenêtre du Luxembourg où elle résidait des lanternes en papier sur lesquelles étaient peintes les armes des Orléans, et elle fit tirer un feu d'artifice dans les jardins du palais.
    Deux jours plus tard, chez elle, aux Tuileries, Mademoiselle offrit à la cour un feu d'artifice qui dura trois fois plus longtemps que celui de sa belle-mère, puis un bal. Quel plaisir de manifester de façon éclatante sa joie du triomphe de son père ! Rien n'était trop cher ni trop somptueux pour lui.
    Elle avait payé les musiciens du roi pour animer sa fête, et l'on dansa fort avant dans la nuit. On servit aussi une collation des plus raffinées. Quatre pyramides, ornées chacune de vingt pièces de porcelaine et portées par seize valets vêtus de livrées flambant neuf, présentaient une profusion de melons, de poires et de pommes.
    Ces pyramides étaient si hautes que les domestiques avaient peine à passer les portes. L'une d'elles fut renversée. Le bruit des porcelaines brisées couvrit celui des

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