Marcel Tessier racontre notre histoire
s’intéresse de nouveau aux colonies. Sully, le grand ministre du roi, est économiste. Son but est de redonner à la France la force économique perdue à la suite des guerres de Religion. Comme il est huguenot, l’idéal d’évangélisation ne figure pas dans ses préoccupations. Sa politique coloniale est simple. Il faut exploiter les colonies. Champlain a son appui et c’est lui qui poursuivra cette politique coloniale après la mort du roi, en 1610.
En 1624, Louis XIII confie le pouvoir à son ministre Richelieu, dont il suit les conseils: «La France doit être le premier pays du monde. Pour y arriver, il lui faut la maîtrise des mers.» Il lui faut des bases navales au loin, sur le littoral atlantique. Le golfe du Saint-Laurent devient important dans son plan. Champlain l’entretient de la citadelle de Québec. C’est un point stratégique de pénétration du continent. Richelieu achète l’idée. Des colons y seront installés. Ce sera le prolongement de la patrie. Avec l’arrivée de Louis XIV et de son ministre Colbert, on pousse plus loin. Ce n’est plus simplement une forteresse que la France veut en Amérique du Nord, mais une France d’Amérique pour le développement du commerce de la métropole. Talon arrive. Il met en marche ses grandes politiques. Cavelier de La Salle suivra le Mississippi jusqu’à son embouchure. Colbert surveille, encourage, fonce. C’est l’apogée de la politique coloniale de la France. Après lui, deux phénomènes ralentissent le peuplement: les guerres européennes se multiplient – guerre de Dévolution (1667-1668), guerre de Hollande (1672-1679), guerre de la ligue d’Augsbourg (1688-1697), guerre de la Succession d’Espagne (1701-1714). Ces guerres appauvrissent la France et ses embarras financiers privent les entreprises coloniales de l’argent nécessaire à leur bon fonctionnement. Par ailleurs, la France peut alors largement nourrir ses habitants, qui sont donc peu portés à venir s’installer dans la colonie. Puis arrive Louis XV. Les colonies disparaissent des préoccupations de la cour. Seuls quelques hommes, de leur initiative, continuent l’œuvre commencée. Rapidement, les colonies deviennent une proie facile pour les nations rivales. L’administration coloniale de la France a souvent été critiquée à ce propos. Les hommes d’alors n’avaient pas l’expérience que le temps a donnée. Comme l’écrivent Rutché et Forget:
Aujourd’hui, il nous semble clair qu’une colonie doit avoir ses propres organismes de législation et d’administration vu les circonstances spéciales de géographie, de climat, de vie physique et économique, au XVI e siècle, au XVII e siècle et même au XVIII e siècle, les conceptions n’étaient pas encore là. À travers plusieurs règnes, la France et sa dynastie avaient élaboré l’ordre et l’unité dans le gouvernement. Sully et Richelieu mirent la dernière main à l’œuvre. Cette conquête de monarchisme puissant et solide paraissait si belle et si féconde qu’on la considérait comme intangible. On s’en félicita d’autant plus que les splendeurs du règne de Louis XIV y apportèrent comme une consécration définitive. Depuis François I er jusqu’à Louis XV, les idées sont donc essentiellement portées vers la centralisation. Tout émane de Paris et tout converge vers Paris et Paris, c’est le roi. Les provinces et les colonies ont leur gouverneur mais rien d’important ne peut se faire sans qu’on en réfère au maître unique.
En Angleterre, c’est différent. Le régime parlementaire y est établi depuis 1258. En effet, le roi Henri III avait été forcé de signer les provisions d’Oxford, qui établissent la périodicité du Parlement et sa prépondérance sur le pouvoir royal. C’est ainsi que, dès le début, Londres accorde à la Nouvelle-Angleterre une assemblée propre qui voit aux intérêts de la colonie. En France, cela aurait été considéré, aux XVI e et XVII e siècles, comme un échec du principe de l’unité et une atteinte au pouvoir du roi. Aussi, les grands ministres de France ont-ils été obligés de s’occuper des colonies en plus de la politique européenne, les reléguant au second rang de leurs préoccupations.
3 LES ANGLAIS EN AMÉRIQUE
P our bien comprendre l’histoire du Canada, il faut savoir qui l’habitait. On sait que les Amérindiens l’occupaient depuis des lunes, que les Français, avec Jacques Cartier, l’ont touché en
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