Marie Leszczynska
accommodée de la situation et se réfugie dans la prière pour expier les fautes du roi à sa place.
Elle veut remarier son père à quatre-vingt-cinq ans !
Sa vindicte moralisatrice s’est déplacée du côté de la Lorraine. La femme à abattre est désormais la marquise de Boufflers, maîtresse du roi Stanislas de longue date… et de quelques autres gentilshommes au passage ! Marie ne peut supporter l’inconduite de la marquise. Elle est bien décidée à la chasser de Lunéville, tout en imposant à son père un remariage respectable. Quelques années plus tôt, après la mort de sa mère Catherine Opalinska, Marie avait cru y parvenir avec une demoiselle de cinquante-deux ans, la princesse de La Roche-sur-Yon
. Hélas, la malheureuse était morte avant de conclure.
En 1762, malgré les quatre-vingt-cinq ans de son père, Marie se met en tête de lui faire épouser la soeur de la dauphine, la princesse Christine de Saxe, âgée de vingt-neuf ans ! En apprenant le dessein de sa fille, Stanislas s’esclaffe : « Voilà du sérieux. Je me chatouille pour rire sur votre projet de mon mariage. Je viens d’apprendre que ma prétendue épouse est terriblement laide. Vous jugez bien que je ne voudrais pas me marier sans vous donner une belle-mère et non une laide [2] . » Quelques jours plus tard, Stanislas rencontre la princesse à Plombières. Il est charmé par l’esprit et la finesse de la jeune femme, mais réitère son refus avec humour : « Il y a une raison insurmontable à ne pas faire aller plus avant. Voulez-vous la savoir ? C’est que cette union ne produirait pas une autre reine de France, ma chère et incomparable Marie. Ainsi cet événement ne sera pas mis dans les extraordinaires de ce siècle [3] . » Le refus définitif mais logique du vieux Stanislas agace la reine. Dommage car il s’agissait de son unique véritable tentative de « marieuse ».
Ultime délire sur la Pologne
Le refus paternel de prendre une nouvelle épouse ne brouille pas très longtemps les relations entre le père et la fille, surtout lorsqu’il s’agit d’évoquer les affaires de Pologne. Pendant la guerre de Sept Ans, Stanislas et sa fille ont suivi avec beaucoup d’attention les incursions des armées prussiennes en Pologne. En revanche, ils ne se sont guère souciés des angoisses de la dauphine pour son père, Auguste III, et pour sa mère, malmenés par les Prussiens. Au contraire, ils attendaient avec impatience la chute de l’ancien rival de Stanislas, en s’interrogeant sur les intentions de Frédéric II
. Le 5 novembre 1759, Stanislas écrivait déjà à sa fille : « Votre idée sûrement est juste sur le roi de Prusse et la Pologne est un pays à lui faire naître des projets vastes selon son humeur, s’il n’avait pas d’autres affaires sur les bras. Je suis moi-même persuadé que, par son amitié pour moi, la pensée lui passera par la tête de me faire des offres [4] . »
Quand la guerre de Sept Ans prend fin, la signature du traité de Paris, le 10 février 1763, n’offre pas de quoi se réjouir. La France abandonne à l’Angleterre ses colonies d’Amérique du Nord et ses acquisitions indiennes, à l’exception de cinq comptoirs. Mais qu’advient-il de la Pologne ? Auguste III est au plus mal ; il meurt le 5 octobre 1763 à Dresde, à l’âge de soixante-sept ans. Stanislas, qui a suivi l’agonie de son vieux rival, s’enthousiasme et commence à imaginer un retour à Varsovie. Étrangement, Marie ne le dissuade pas, en dépit de ses quatre-vingt-six ans et de ses multiples infirmités. L’attitude de la reine frôle même le ridicule quand elle confie à son ami, le président Hénault
: « Qu’est-ce que tout cela va devenir, Dieu le sait. Si on rappelait mon papa, cela serait drôle : cela ne me surprendrait pas ; mais ne faites part à personne de ma réflexion. J’entends aussi peu ce qui arrivera ici que ce qui se fera en Pologne. »
Pourtant, Marie sait que le prince Xavier de Saxe, fils d’Auguste III, est déjà sur les rangs, la dauphine faisant ouvertement campagne pour son frère. En revanche, la reine ignore que Louis XV jongle, en coulisse, entre les services diplomatiques et le Secret du roi pour soutenir le grand général Branicki. Car le roi de France veut absolument contrecarrer la candidature de Stanislas-Auguste Poniatowski, fils de l’ancien compagnon de Stanislas et, surtout, ancien amant de la tsarine Catherine II. De
Weitere Kostenlose Bücher