Marie Leszczynska
Madame d’Andlau, cette instruction, intitulée Avis du roi à la reine sa fille lors de son mariage [13] , est le premier texte important rédigé en français par le roi de Pologne. Destiné à instruire sa fille des embûches qui la guettent à la cour, c’est aussi un hymne à l’amour paternel, empreint de reconnaissance envers ce « miracle de la Providence » :
« Écoutez, ma Fille, et voyez ; prêtez l’oreille à mes paroles, et oubliez votre peuple et la maison de votre père.
« J’emprunte, ma chère Fille, ces paroles de l’Esprit Saint pour vous donner des avis, les seuls vraisemblablement qu’il me sera permis de vous donner dans la suite après l’événement qui vous éloigne de moi, et qui vous met tout d’un coup sur le Trône de l’Univers le plus puissant et le plus respectable.
« C’est ici véritablement l’ouvrage du Très-Haut. Je vois sa main qui vous conduit à travers tous les détours de la prudence humaine, et qui, confondant les vues et l’attente des mortels, veut se glorifier elle-même par ses prodiges.
« C’en est un, en effet, que le rang où elle vous élève aujourd’hui. Quelle qu’ait été votre sagesse, quelles que soient vos vertus, ce n’est point à elles seules que vous devez ce trait singulier de la Providence, mais c’est à vous à le justifier par toutes les sortes de mérites que va vous demander votre nouvel état et tous les yeux ouverts sur vous cherchent à tirer des présages de votre zèle à les remplir. [...]
« Distinguez-vous, à la bonne heure, dans le rang que vous occupez, mais que ce soit uniquement par l’ambition d’en remplir tous les devoirs avec exactitude. Faites toujours mieux que le peuple tout ce que le peuple fait de bien. Surpassez les plus sages en mérite, mais sans être extrême sur aucune vertu : il n’appartient qu’à l’hypocrite d’exagérer les sentiments qu’il n’a pas. [...]
« Je pourrais vous avertir ici d’un avantage que vous ne vous connaissez pas. C’est un don de la nature qui ne vous a rien coûté, mais qui, rendant plus aisée la pente à vous imiter, peut vous être un sujet de mérite, et d’un simple talent vous faire une vertu. Ce don si précieux est cet air de douceur, ces manières aisées et prévenantes, ce caractère de bienfaisance et de bonté qui se peint dans vos traits, et qui appelant tous les coeurs et leur demandant autant d’amitié qu’il en offre ne laisse pas de leur imprimer le respect dont il semble vouloir les affranchir. Conservez avec soin ces dehors précieux, et ne cessez en aucun temps d’être réellement tout ce qu’ils promettent.
« Faites toujours autant de bien qu’il vous sera possible. La libéralité est un devoir de votre rang, et les refus vous doivent plus coûter que les grâces. Surtout approchez de vous la vertu timide et malheureuse ; ne dédaignez jamais le mérite indigent ; ne leur faites pas même acheter vos secours par des prières : en leur payant une dette, ce serait leur vendre le plaisir de vous en acquitter.
« Aucune affaire essentielle ne vous regarde sur le Trône que celle de vous faire aimer. [...]
« Répondez aux espérances du roi par toutes les attentions possibles ; vous devez ne plus penser que d’après lui et comme lui, ne plus ressentir de joies et de chagrins que ceux qui l’affectent, ne connaître d’autre ambition que de lui plaire, d’autre plaisir que de lui obéir, d’autre intérêt que de mériter sa tendresse ; vous devez ne plus avoir à vous ni humeur ni penchant ; votre âme doit se perdre dans la sienne ; et tel est votre bonheur, qu’elle ne peut que s’embellir en se perdant de la sorte : par là même vous pouvez contribuer au bien de Sa Majesté. [...]
« N’essayez point à percer les voiles qui couvrent les secrets de l’État. L’autorité ne veut point de compagne. Laissez au roi et à son Conseil à ménager les intérêts qui divisent ou rapprochent les Nations, et à donner à l’Univers, selon les temps et les besoins, ces secousses puissantes qui l’ébranlent. [...]
« C’est surtout la Religion que vous devez respecter sans l’approfondir. [...] Dans le poste éminent où vous êtes, rien n’est plus important que la Religion ; non seulement elle est le seul frein que puissent avoir ceux qui ne craignent pas les Lois dont ils sont les arbitres, mais elle est seule capable d’adoucir les chagrins qui révoltent l’orgueil des
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