Marie Leszczynska
d’un manteau d’or étincelant, la fiancée de Louis XV remonte lentement vers le choeur en donnant la main au roi Stanislas. Sa longue traîne de brocart est portée par Madame de Linange, sa dame d’honneur. À la croisée du transept, elle s’agenouille sur une estrade couverte de velours cramoisi semé de fleurs de lis d’or. Ses parents se tiennent à ses côtés.
Le roi et la reine de Pologne conduisent ensuite leur fille à l’autel tandis que le duc d’Orléans
se place à sa droite. Avant la bénédiction de l’anneau et des treize pièces d’or, le cardinal de Rohan prononce l’éloge de Marie tout en rendant grâces à la Providence d’avoir si bien aidé le destin : « Vous êtes fille d’un prince qui, dans les différents événements d’une vie agitée, a toujours réuni en lui l’honnête homme, le héros et le chrétien. [...] À peine ce prince est-il sur le trône où le choix des grands et l’amour des peuples l’avaient placé, qu’il se voit forcé de le quitter. [...] Il vient en France ; vous l’y suivez, Madame. Tout ce qui vous y voit, sensible à vos malheurs, admire votre vertu ; l’odeur s’en répand jusqu’au trône d’un jeune monarque qui, par l’éclat de sa couronne, par l’étendue de sa puissance et plus encore par les charmes de sa personne, pouvait choisir entre toutes les princesses du monde. Guidé par de sages conseils, il fixe son choix sur vous. Et c’est ici que le doigt de Dieu se manifeste : il se sert du malheur même, qui sépare le roi votre père de ses sujets et qui vous enlève à la Pologne, pour vous donner à la France et pour nous donner en vous une reine qui sera la gloire d’un père et d’une mère dont elle fait la consolation et les délices. »
Contée avec l’onction religieuse qui sied à la cérémonie, la belle histoire fait perler quelques larmes sur les visages du clan polonais. Mais, dans la cohorte des initiés de Versailles, on devine aussi des sourires retenus à l’évocation de ce conte de fées qu’ils peinent à prendre au sérieux.
Après l’échange des consentements, Marie reprend sa place sur l’estrade et Louis d’Orléans
s’adresse au duc de Noailles, capitaine des gardes : « Monsieur, prenez Madame, c’est votre reine et votre maîtresse. » Noailles empoigne son bâton ; les gardes de la manche, qui ne doivent pas quitter la personne royale, se placent de chaque côté de l’estrade ; et les officiers des gardes du corps prennent position. Ce cérémonial, propre à l’union par procuration, rappelle que Marie est désormais reine de France et que tous les honneurs souverains lui sont dus. La cérémonie prend fin sur un Te Deum alors que tous les canons de la ville tonnent à l’unisson.
La reine regagne ensuite le palais du Gouvernement sous les acclamations, pour y recevoir les hommages de sa maison et des visiteurs. Puis elle dîne pour la première fois au grand couvert, avec ses parents. L’après-midi, ayant souhaité assister aux vêpres, elle se rend à la cathédrale en grand apparat, accompagnée de Mademoiselle de Clermont et de ses quatre premières dames. C’est l’occasion pour elle de découvrir l’étiquette qui s’applique à la reine de France : Messieurs de Nangis
et de Tessé
l’accompagnent au choeur, le duc de Noailles se tient derrière son fauteuil, les dames du palais entourent le prie-Dieu, les officiers des gardes et les gardes de la manche occupent les côtés. À quelques pas, le roi Stanislas contemple la scène. Plus attentive à l’office qu’à la pompe royale, Marie s’abandonne à la prière, agenouillée, le visage caché dans ses mains, sourde aux exhortations qui invitent l’assistance à se relever.
La journée s’achève sur la terrasse du palais bordant l’Ill, pour assister à un extraordinaire feu d’artifice tiré de quatre bateaux. Trois heures durant, fusées, tourniquets et pots à feu illuminent le ciel. La cathédrale participe à l’embrasement en pointant sa flèche scintillante de mille feux d’où s’échappent des gerbes éclatantes. Et, toute la nuit, les Strasbourgeois vont danser dans les rues aux cris de « Vivent le roi et la reine » !
Recommandations d’un père à une reine
De retour à ses appartements, la reine peut enfin prendre connaissance d’une longue lettre remise par Stanislas la veille au soir. Écrite dans le plus grand secret, au cours du séjour des Leszczyński chez
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