Marie Leszczynska
que le duc de Saint-Simon en parle avec sévérité à son ami, le cardinal Gualterio : « L’expédition militaire dans les terres de l’El[ecteur] Palatin faite par Monsieur d’Harlay Int[endant] d’Alsace et sans aveu ni consultation que de soi-même. De telles têtes sont mal en place et plus mal sur des frontières. Je ne sais ce que l’Électeur et l’Empereur même en diront, mais difficilement Monsieur d’Harlay persuadera-t-il à personne que quelqu’un ait envie d’empoisonner le roi Stanislas, et beaucoup moins qu’on l’entreprenne en débitant du tabac empoisonné sur la place de Wissembourg dans l’espérance qu’il en achètera pour son usage [9] ... »
D’autres surprises attendent le malheureux Vauchoux. La plus désagréable survient durant la prise des mensurations pour l’élaboration du trousseau. Il sollicite de Marie le prêt d’une chaussure pour modèle… et découvre qu’elle possède une seule paire d’apparat dont elle se sert uniquement pour danser ! Aussitôt prévenue, Madame de Prie s’empresse de compléter le trousseau de sa protégée.
Mariage par procuration à Strasbourg
Selon la tradition, le roi de France ne peut quitter son royaume, sauf pour faire la guerre à la tête de ses armées. Quant aux cérémonies de mariage, elles répondent à des rituels bien établis, fondés sur l’égalité entre les deux parties. Ainsi, pour quitter son pays natal, la princesse doit-elle avoir été mariée par procuration. Mais le cas de Marie Leszczyńska diffère puisqu’elle vit en exil en Alsace, province appartenant au royaume de France. Dans ce cas très particulier, est-il vraiment nécessaire d’organiser un mariage par procuration à Strasbourg ? Les ministres de Louis XV répondent par l’affirmative pour des motifs politiques. Ils y voient l’occasion de valoriser une province récemment annexée, voisine des duchés de Lorraine indépendants. C’est aussi la seule possibilité pour le roi Stanislas de conduire sa fille à l’autel en « souverain régnant », sans bafouer les règles.
On apprend que la princesse désire se marier le jour de la Vierge. La date du 15 août ne semble pas poser de difficultés ; en revanche, les ministres de Louis XV sont plus réticents devant le titre de « princesse royale de Pologne » choisi par Marie et qui ne convient pas à la fille d’un roi élu.
La famille Leszczyński
quitte la maison Weber le 3 juillet 1725. Dans son journal, le Wissembourgeois Jean-Christophe Scherer
raconte le départ de la reine escortée par le régiment de Berry-Cavalerie : « On planta des mais [10] depuis sa maison jusqu’à la porte de Haguenau. Devant la porte se trouvaient les enfants des écoles des deux confessions et les bourgeois rangés pour la parade ; à leur tête se trouvaient les jeunes gens de la ville avec musique et drapeaux. La reine en passant en voiture considéra ce spectacle avec satisfaction et écouta jouer sa marche favorite. Pleine de joie, elle se mit à rire et se frappa la poitrine. Ce soir-là, nos jeunes gens s’amusèrent encore beaucoup. Mais la cour était partie et ce fut la fin de notre joie [11] . »
Après une halte à Soultz pour le dîner et une étape à Bischwiller pour la nuit, le cortège arrive aux portes de Strasbourg le 4 juillet, en fin d’après-midi. Les couleurs de la reine flottent dans toutes les rues où une foule dense se presse pour apercevoir l’élue de Louis XV. Les troupes lui rendent les honneurs sur le parcours qui mène au palais du gouverneur, tandis que le cardinal de Rohan, entouré du chapitre de la cathédrale, accueille avec émotion son vieil ami le roi Stanislas et la pieuse Marie dont il a guidé l’adolescence. Après les discours et harangues d’usage, le cortège se dirige vers l’hôtel de la comtesse d’Andlau, où les Leszczyński vont résider quelques semaines. Réceptions, divertissements, promenades et cérémonies religieuses rythmeront ensuite leur vie quotidienne.
On parle d’étiquette et d’argent
Madame de Prie est déjà arrivée à Strasbourg. Elle a proposé de convoyer le trousseau de la reine pour s’assurer du caractère de Marie. En réalité, elle veut être la première dame à l’initier aux arcanes de la cour et tient absolument à la mettre en garde contre la sournoiserie de ce Fleury qu’elle déteste. Elle en profite aussi pour remettre une lettre de Monsieur le Duc au roi Stanislas,
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