Marie
Joseph d’Arimathie me l’a dit.
Yechoua mon bien-aimé ne donne pas signe de vie. L’officier dit au
mercenaire : Tu vois, tout à l’heure les oiseaux s’en occuperont.
« Je
tombe sur le sol comme si ma conscience m’abandonnait. Mariamne ma sœur de cœur
me prend dans ses bras. Elle pleure dans mon cou : Il est mort ! Il
est mort ! Comment Dieu peut-U laisser faire une chose pareille ?
Qu’elle se souvienne et me pardonne. Je ne lui dis pas ce que je sais. Je ne
dis pas : il vit encore. Joseph d’Arimathie l’a endormi avec une drogue
pour le faire passer pour mort. Je me tais et je crains.
« Joseph
et Nicodème reviennent. Ils montrent une lettre de Pilatus : Le corps de
Yechoua est pour nous. Ils voient la plaie : Vite, vite.
« Les
disciples de Beth Zabdaï défont les liens et descendent Yechoua de la croix. Je
songe à Abdias, mon bien aimé, qui descendit pareillement mon père du champ de
douleur, à Tibériade. Je sens son aile, il est avec moi, mon petit époux. Il me
rassure.
« Je
baise le front de mon fils. Joseph demande de l’aide. On place un emplâtre sur
la plaie. On entoure son corps en entier avec des bandes de byssus enduites
d’onguents. Dans le char de Nicodème on le transporte à la grotte achetée
depuis cinq jours.
« Nous,
les femmes, nous restons dehors.
« Joseph
d’Arimathie et les disciples de Beth Zabdaï ferment l’entrée de la grotte au
moyen d’une grande pierre roulante qu’on appelle un gotal. Avant d’entrer,
Joseph m’a laissée voir la fiole. Celle qu’il avait à Beth Zabdaï pour tirer la
vieille femme de la mort. Celle qui fit crier la foule et croire au miracle.
« Ceux
du sanhédrin viennent et questionnent avant que commence le shabbat. Les
disciples, en tunique blanche comme on la porte dans les maisons d’esséniens,
les repoussent : Ici, le sanhédrin n’a pas de pouvoir. Ici, on vient pour
bénir, non pour maudire. À nous, les femmes, ils demandent de prier et que nos
voix s’entendent de loin.
« À
la nuit, Joseph est près de nous : Il faut s’éloigner, maintenant. Les
disciples gardent la grotte. Allons dans la maison de Nicodème, près de la
piscine de Siloë.
« Je
suis seule avec Joseph, je lui demande : Il vit ? Je veux le voir. Il
me répond : Il vit. Tu ne le verras pas avant que les espions de Pilatus
se soient assurés que la grotte est son tombeau.
« Je
le vois dans la nuit d’après le shabbat. On entre dans la grotte par une faille
dissimulée derrière un arbuste de térébinthe. Mon fils est dans des linges, sur
une couche de mousse que l’on a recouverte d’un drap. Il y a du myrte dans
l’huile des lampes, pour que ça ne sente pas mauvais. Joseph me dit : Pose
la main sur lui. Sous ma paume, je sens battre son cœur. Joseph dit : Si
Dieu le veut, ce ne sera pas plus difficile que pour la vieille femme que tu as
sauvée à Beth Zabdaï. Et Dieu le veut, car autrement, Il ne l’aurait pas laissé
survivre jusqu’ici.
« On
le veille trois jours. Après trois jours, il ouvre les yeux. Il me voit. La
lumière des lampes n’est pas suffisante pour qu’il me reconnaisse.
« Quand
il peut parler, il demande à Joseph : Combien de temps depuis que tu m’as
descendu de la croix ? Trois jours. Il sourit, heureux : N’avais-je
pas annoncé qu’il me suffirait de trois jours pour redresser le Temple en
ruine ?
« Encore
une nuit et il annonce qu’il veut partir. Je proteste : Tu n’as pas assez
de force ! Il m’offre pour la première fois depuis longtemps un regard de
tendresse : Que sait une mère de la force de son fils ? Nicodème lui
dit : Tu n’es pas en sûreté dans ce pays. On te cherchera. Ne te montre
plus au peuple. Ta parole te survivra. Tes disciples la sèmeront. Joseph
d’Arimathie lui dit : Attends quelques jours, mes frères de Beth Zabdaï te
conduiront à notre maison près de Damas. Tu y seras en sécurité.
« Il
n’écoute pas. Il s’en va en annonçant : Je retourne d’où je viens. Ce
chemin, je le ferai seul. Joseph d’Arimathie et moi, nous comprenons qu’il veut
faire le chemin jusqu’en Galilée. On se récrie encore. Rien n’y fait. Yechoua
s’en va.
« Quand
on ne le voit plus, qu’il nous repousse d’un signe de main, nous retournons à
la maison de Nicodème.
« Mariamne
ma sœur de cœur voit ma détresse. Elle questionne. J’ai honte du secret qui m’a
fermé la bouche. Je lui avoue : Yechoua est vivant.
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