Marie
Joachim le remercièrent avec gratitude. La vraie difficulté était de trouver
des hommes auxquels l’on pouvait se fier. Des hommes de sagesse mais aussi de
cœur et d’un peu de pouvoir. Des hommes capables de se battre, mais pas des
têtes brûlées. Ce qui n’abondait pas.
Bien vite,
les mêmes noms revinrent sur les lèvres de Joachim et de Yossef. Ils arrêtèrent
leur choix sur deux esséniens dont la réputation d’indépendance et d’opposition
au temple de Jérusalem était sûre : Joseph d’Arimathie, sans doute le plus
sage, et Guiora de Gamala. Celui-ci menait une fronde dans le désert près de la
mer Morte. Ensuite, Joachim évoqua le nom d’un zélote de Galilée qu’il
connaissait et à qui il faisait confiance.
Barabbas
grimaça. Sa défiance envers les hommes de religion était grande.
— Ils
sont encore plus fous de Dieu que les esséniens.
— Mais
ils se battent contre les Romains, dès qu’ils en ont l’occasion.
— Ils
sont tellement intransigeants qu’ils effraient les villageois ! On dit
même que parfois ils battent ceux qui ne prient pas à leur convenance. Ce n’est
pas avec eux que l’on convaincra ceux qui doutent de nous et hésitent à nous
suivre.
— Ce
ne sera pas sans eux non plus. Et cette histoire de paysans battus, je n’y
crois pas. Les zélotes sont durs et austères, c’est vrai, mais ils sont braves
et ne reculent pas devant la mort quand ils affrontent les mercenaires et les
Romains…
— Tout
ce qu’ils veulent, c’est imposer leur idée de Dieu, insista Barabbas en élevant
le ton. Jamais ils ne se battent parce que les gens ont faim ou pour leur
épargner les humiliations d’Hérode.
— C’est
bien pour cela qu’il faut les convaincre. J’en connais au moins deux qui sont
des hommes de bien : Éléazar de Jotapata et Lévi le Sicaire, de Magdala.
Ils se battent, mais ils savent aussi écouter et respecter d’autres opinions
que la leur…
De
mauvaise grâce Barabbas accepta les zélotes. Mais la dispute reprit, plus forte,
au sujet de Nicodème. C’était le seul pharisien du sanhédrin qui, à ce jour,
avait montré de l’humanité et de l’intérêt pour la Galilée. Joachim était
favorable à sa venue, Barabbas furieusement contre, et Yossef hésitait.
— Comment
peux-tu vouloir appeler à l’aide un pourri du sanhédrin ? Toi qui as donné
un coup de lance à un percepteur ? s’insurgea Barabbas.
— Ne
confonds pas tout ! protesta Joachim, agacé. Nicodème s’oppose aux
sadducéens qui nous saignent à la moindre occasion. Il s’est toujours montré
attentif à nos doléances. Il s’est rendu plus d’une fois dans les synagogues de
Galilée pour nous entendre.
— La
belle affaire ! Ça ne lui coûte pas cher ! Il vient, il bâille et il
retourne à Jérusalem dans ses coussins…
— Je
te dis qu’il est différent.
— Et
pourquoi ? Ouvre les yeux, Joachim : ils sont tous pareils ! Des
lâches et des vendus à Hérode. C’est tout. Si ton Nicodème ne l’était pas, il
ne siégerait pas au sanhédrin. Dès qu’il saura que nous préparons une révolte,
il nous dénoncera…
— Pas
Nicodème. Il s’est dressé contre Ania, le grand prêtre, en pleine réunion du
Temple. Hérode a voulu le jeter en prison…
— Justement,
il a évité les fers ! Il ne s’est pas retrouvé comme toi sur la croix. Tu
peux être sûr qu’il a courbé la nuque bien bas et demandé pardon… Je te dis
qu’il va nous trahir ! Nous n’avons pas besoin de lui !
— Ah,
c’est sûr ! Toi, tu n’as besoin de personne ! s’énerva Joachim pour
de bon. Tu peux soulever le peuple partout dans le pays sans l’ombre d’un appui
à Jérusalem ou au sanhédrin ! En ce cas, vas-y. Pourquoi attendre ?
Vas-y donc…
— Ne
suffirait-il pas d’un peu de prudence ? suggéra Yossef d’une voix
apaisante. Nicodème, nous l’écouterions sans toujours livrer le fond de notre
pensée.
— Et
l’écouter pour quoi ? s’obstina Barabbas. Pour être bien certain qu’il est
lâche, comme tous les pharisiens ?
— À
quoi bon discuter ! explosa Joachim. Tu raisonnes comme un enfant.
La
querelle dura encore un moment avant que Barabbas cède en s’enfermant dans une
mauvaise humeur qui ne le quitta plus.
Restait à
écrire et à expédier les messages conviant à la réunion. Joachim s’attela à la
rédaction tandis qu’Abdias et sa bande d’am-ha-aretz se divisèrent en petits
groupes de
Weitere Kostenlose Bücher