Marie
dormir à la belle étoile.
Son
impatience, sa rage d’en découdre avec les mercenaires atténuèrent sa
vigilance. Si bien qu’il ne s’aperçut pas du retour d’Abdias, plus discret
qu’une ombre.
*
* *
La nuit
n’allait pas tarder. Miryem venait d’embrasser les enfants après leur avoir
raconté une dernière histoire. Halva dormait déjà. De l’atelier derrière la
maison lui parvenaient de joyeux éclats de voix. Voilà que de nouveau Joachim,
Lysanias et Yossef manifestaient leur joie à travailler ensemble,
songea-t-elle. Et, comme d’habitude, ils s’installeraient autour de la table,
aussi avides de nourriture que de paroles.
Leurs
discussions pouvaient durer des heures quand Barabbas était présent. Pourtant,
elle ne parvenait pas à les prendre réellement au sérieux.
— Ne
croirait-on pas des enfants qui veulent refaire le monde que le Tout-Puissant a
créé ? avait-elle confié à Halva.
Toutes les
deux plaisantaient en cachette, complices, de ce spectacle offert par l’orgueil
des mâles. S’amusant encore à cette pensée, Miryem passa dans la pièce principale
de la maison. Il faisait déjà sombre. L’odeur d’un tilleul embaumait, poussée
par la brise du soir.
Elle alla
chercher les lampes et une jarre d’huile afin de les remplir. A son retour,
elle crut percevoir un souffle, une présence derrière elle. Elle scruta la
pénombre du crépuscule autour d’elle. Celle-ci ne recelait aucune surprise.
Aucune silhouette ne se tenait sur le seuil, découpée sur le ciel rougeoyant.
Elle se
remit à la tâche. Mais, quand elle battit le briquet, des doigts légers lui
ôtèrent la pierre des mains. Miryem s’écarta en poussant un cri, lâchant la
mèche d’amadou. Un murmure s’éleva :
— C’est
moi, Abdias. Pas la peine d’avoir peur !
— Abdias !
Quel sot ! Tu m’as effrayée. En voilà des manières de voleur !
Elle rit,
attirant le garçon contre elle. Abdias s’abandonna en frissonnant à son
étreinte avant de s’écarter non sans rudesse.
— Je
ne voulais pas te faire peur ! chuchota-t-il, ému, en enflammant l’amadou.
C’était bien de te regarder, après tout ce temps. Je suis drôlement content de
te voir.
Les
flammes des mèches grandirent assez pour dissiper l’ombre. Miryem devina la
gêne soudaine du garçon après cet aveu. Elle ébouriffa sa chevelure sauvage
d’un geste maternel.
— Moi
aussi, je suis contente de te voir, Abdias… Es-tu revenu seul ?
— Non.
Abdias
désigna l’atelier de Yossef d’un pouce négligent.
— Ils
sont là. Les deux grands sages esséniens, comme dit ton père. Celui de Damas,
pas de problème. Peut-être bien que c’est un vrai sage. Mais l’autre, Guiora de
Gamala, c’est un fou. Il ne voulait même pas me voir. Alors m’écouter et
prendre la lettre de Joachim, tu penses ! Je suis arrivé à Gamala blanc de
poussière et la langue pendante. Crois-tu qu’ils m’auraient donné quelques
gouttes d’eau ? Rien du tout.
Abdias
grogna de dégoût.
— Les
copains voulaient repartir, parce qu’il y avait un grand marché où l’on pouvait
trouver de quoi se nourrir et faire nos affaires.
Miryem
leva un sourcil accusateur.
— Tu
veux dire voler ?
Abdias eut
une grimace magnanime.
— Après
toute la route et un pareil accueil, fallait bien qu’ils s’amusent. Moi, j’y
suis pas allé. Je me suis arrangé à ma manière pour faire passer le message de
Joachim à ce vieux poilu.
La fierté
illumina son visage, estompant la bizarrerie de ses traits. La braise obscure
de ses pupilles scintillait.
— Pendant
trois jours et trois nuits, j’ai pas bougé de devant l’espèce de ferme où il
habite avec ceux qui le suivent, expliqua-t-il. Tous avec la même tunique
blanche, une barbe si longue qu’ils pourraient marcher dessus. Toujours un air
furieux comme s’ils allaient te couper en morceaux. Toujours en train de se
laver et de prier. Ils prient, ils prient, ils prient ! J’ai jamais vu des
gens prier autant. Mais, quand même, en trois jours, ils ont eu tout le temps
de me voir. Et ça les agaçait. Le quatrième jour, surprise ! j’étais plus
là. Plus de am-ha-aretz pour souiller leurs regards. Ils ont couru raconter la
bonne nouvelle à Guiora. Mais le soir, nouvelle surprise ! Quand Guiora
entre dans sa chambre, qu’est-ce qu’il voit ? Moi, assis sur sa
couche ! Le bond qu’il a fait, le cri qu’il a poussé, le sage
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