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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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par jolie brise, l’escadre mit toute la voile dès le jour levé.  
    — Nous y serons dans cinq jours, dit Dutertre. C’était compter sans les impondérables. Ce fut d’abord le navire amiral qui perdit son grand cacatois sur un coup de vent inattendu. Il fallut réduire la voile et ralentir l’allure pour effectuer les réparations. Puis, successivement, deux soixante-quatorze signalèrent des avaries : un canon désarrimé et un commencement d’incendie. Enfin, une voie d’eau se déclara dans la soute à vivres de l’ Argonaute. Elle fut aveuglée et les hommes trimèrent tout un jour et toute une nuit à la pompe, mais les réserves de nourriture fraîche étaient irrémédiablement perdues. Chaque fois, l’expédition prenait du retard, laissant aux Anglais tout le temps de s’apercevoir qu’ils avaient été bernés sur la destination de l’escadre.  
    Cependant, Ganteaume poursuivait obstinément sa route. A bord de l’ Argonaute, les problèmes d’approvisionnement devinrent rapidement aigus. Guillotin demanda l’autorisation d’empanner pour se faire ravitailler par un autre navire. L’autorisation fut refusée. Il n’y avait pratiquement plus de biscuit à bord et, deux fois par jour, l’équipage en était réduit à de maigres rations de poisson salé.  
    Le 17 Pluviôse, enfin, Gibraltar fut en vue. Ganteaume louvoya quatre jours avant de trouver une occasion de se glisser en Méditerranée, mais, là, il dut fuir jusqu’aux côtes d’Algérie pour échapper à une escadre anglaise qui croisait au large de la Sardaigne. Bons marcheurs, les navires français n’avaient pas de peine à distancer les poursuivants, mais ils n’arrivaient pas à passer à travers les mailles serrées du filet. Huit jours durant, ce fut un épuisant jeu de cache-cache entre les Baléares et la Sardaigne.  
    Les premiers cas de scorbut apparurent sur l ’Argonaute, sans grande gravité d’abord. Un matin, Hazembat s’éveilla avec des gencives endolories et suintantes de sang. Une immense fatigue pesait sur ses membres. Bien qu’il n’en eût guère l’habitude, il essaya d’une chique, comme les vieux marins lui avaient appris, mais il eut du mal à mordre dans la carotte de tabac. Dans l’après-midi, soudain essoufflé, il dut se faire relever à la barre. Le chirurgien de bord lui donna une décoction de cochléaria pour se rincer la bouche. Il passa la nuit dans une sorte de torpeur, sentant à peine son cœur battre.  
    Au lever du jour, Dutertre lui apporta la nouvelle : l’amiral avait donné l’ordre de faire route au nord. Il fallut encore louvoyer quelques jours avant d’atteindre Toulon le 5 Ventôse. Hazembat était à peine conscient quand on le transborda sur une allège et, de là, sur une charrette qui le conduisit à l’hôpital.  
    Quand il émergea de sa stupeur, il était en train de boire avidement un liquide sucré et acide, à la saveur inconnue.  
    — Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il d’une voix pâteuse.  
    — Hé, té ! c’est du jus d’orange, fan de chichourle ! Ça fait huit jours que tu ne bois que ça !  
    Il distinguait maintenant le gros visage couperosé de l’infirmier.  
    — J’ai eu le scorbut ?  
    — Un peu ! Mais, avec les oranges de Provence, bonne mère ! tu étais sûr de t’en tirer !  
    Le médecin prescrivit une alimentation uniquement végétale. Ailleurs, cela aurait voulu dire de la soupe aux choux et des pois chiches, mais ici Hazembat faisait connaissance avec les mille parfums nouveaux de la tomate, du piment, du panais et des herbes odorantes. Il alla même jusqu’à goûter de la salade crue, humectée d’huile d’olive et de citron.  
    Plus tard, vint le poisson frais, bouilli ou rôti, qu’il dévorait à belles dents. Il avait encore la lassitude dans les muscles, mais commençait à se sentir gaillard quand Dutertre vint le voir.  
    — Nous appareillons le 29 Ventôse, dit-il.  
    — Ça fait encore dix jours. D’ici là, je serai tout à fait d’attaque.  
    L’autre secoua négativement la tête.  
    — Tu ne viens pas avec nous. Chaussade t’a fait rayer du rôle. Nous partons avec des équipages frais.  
    — Et qu’est-ce que je deviens ?  
    — J’imagine que tu vas recevoir tes ordres.  
    Au moment de le quitter, Dutertre se ravisa et se tourna vers lui.  
    — Pour ce qui est de dénoncer les camarades, je voulais te dire, il ne faut pas mal penser de moi. Je

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