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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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dans la culasse ?  
    — Beaucoup, répondit Hazembat.  
    Il ne retourna jamais chez Maman Lucie, d’abord parce qu’il n’en avait pas les moyens, ensuite parce qu’il redoutait de s’attacher à Claudia.  
    Heureusement pour lui, tout au long de l’été, puis de l’automne, l’ Argonaute fit de nombreuses sorties en mer, errant autour d’Ouessant, comme si Guillotin avait voulu prendre sa revanche.  
    Vers la fin de Vendémiaire, la loge des Vengeurs du Peuple se réunit dans la fosse aux lions.  
    — Frères, dit Papounet, je viens d’apprendre une importante nouvelle : le général Bonaparte a laissé le commandement de l’armée d’Egypte à Kléber et il est rentré en France. Nous savions déjà que Sieyes préparait un coup d’Etat, mais, depuis la mort de Joubert à Novi, il n’avait pas de sabre à sa disposition. Maintenant, il en a un.  
    — Est-ce que tu crois que les autres généraux suivront ? demanda Guirrec.  
    — Ils seront bien forcés. On a limité les dégâts aux frontières cet automne, mais, au printemps, les coalisés reprendront l’offensive. Les Chouans ont relevé la tête au Mans et à Nantes et, le mois dernier, les royalistes étaient les maîtres à Montréjeau. Le pouvoir échappe au Directoire.  
    Bottereaux, qui écoutait en silence, leva la main.  
    — Si tu permets, frère, tu sais que je suis riche et que cela ne m’empêche pas d’être dévoué à la République. Le peuple est souverain, certes, mais ceux qui ont l’argent en ont besoin pour lui donner du travail. L’impôt forcé sur les fortunes a été une erreur…  
    Il y eut une rumeur hostile. Bottereaux attendit qu’elle s’apaise avant de reprendre :  
    — Je ne dis pas que cet impôt était injuste. Je dis qu’il a détourné du Directoire les négociants et les propriétaires qui ont tout à perdre si la République disparaissait.  
    — Un tyran militaire vaudra-t-il mieux ? demanda un gabier.  
    — Oui, à leurs yeux, s’il arrive à rétablir la paix et la sécurité des biens et des personnes sans mettre en cause les acquis de la Révolution.  
    — Et la liberté ? demanda Papounet.  
    — Il n’y a pas de liberté quand on crève de faim, et c’est ce qui risque d’arriver si quelqu’un ne met pas d’ordre dans ce qui reste de république.  
    — Ce qu’il nous faut, c’est un nouveau Robespierre !  
    — Etions-nous plus libres sous la Terreur ? Le temps des Robespierre est passé.  
    Hazembat s’enhardit à demander la parole.  
    — Pour moi, dit-il, ce qui compte, c’est l’égalité. Général ou pas, riche ou pas, le peuple, c’est tout le monde. Possible qu’il y en ait qui triment plus dur que d’autres, mais la loi doit être la même pour tous.  
    De sa vie, il n’avait fait un si long discours. Il se tut, surpris de sa propre audace.  
    — Tu as raison, Hazembat, dit Bottereaux, mais ce fut l’erreur des chefs de la Révolution de croire que ces choses-là se font en un jour.  
    — Alors, demanda Papounet, Bonaparte, on est pour ou on est contre ?  
    Le gabier haussa les épaules.  
    — Qu’est-ce que ça change ? Tout se décide à Paris.  
    — Sur les autres vaisseaux, il y a des frères qui sont vigilants comme nous. Une mutinerie de l’escadre de Brest pourrait faire réfléchir les gens de Paris.  
    — Pour que les Anglais viennent à notre secours avec l’Armée Royale dans leurs bagages ? dit Guirrec. M’est avis que, si Bonaparte est assez bon général pour imposer la paix aux Anglais sans mettre en danger la Révolution, on ne peut pas être contre.  
    Papounet parcourut l’assemblée du regard.  
    — On vote ? Qui est pour laisser faire Bonaparte ? Il y eut douze voix pour, cinq voix contre et trois abstentions dont celle d’Hazembat.  
    — Bien entendu, dit Papounet, ce vote reste un secret de la loge. Malheur à qui le trahira ! Violet ne doit se douter de rien.  
    La nouvelle du coup d’Etat arriva le 28 Brumaire. Comme tous les commandants de bord, Guillotin réunit l’équipage à l’arrière et lut un passage du Moniteur.  
    — « La France veut quelque chose de grand et de durable. L’instabilité l’a perdue, c’est la fixité qu’elle invoque. Elle ne veut pas la royauté, elle est proscrite ; mais elle veut l’unité dans l’action du pouvoir qui exécutera les lois. Elle veut que ses représentants soient conservateurs paisibles, et non

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