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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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rien, même pas à être jolies, mais, sans nous, vous croyez que Castagne et Pouriquète suffiraient à faire marcher votre commerce ? Demandez-le-leur ! Mon frère n’a peut-être ni biens ni grade, mais il a des bras pour vivre et faire vivre les siens sans rien devoir à personne ! C’est plus que vous n’en aurez jamais, meste Capulet, parce que, vous, il vous faut les bras des bons à rien pour vous gagner votre bien !  
    Elle dominait Capulet d’un bon pouce, forte et charpentée comme un homme. Bernard découvrait sa sœur avec surprise. Elle n’avait jamais eu la langue bien déliée, mais, déchaînée ainsi, elle était éloquente et presque belle.  
    Voyant Capulet muet, il comprit que le moment était venu pour lui de prendre en main son destin. C’était comme si, pour la première fois, il voyait soudain un égal dans un de ces personnages qui avaient dominé son adolescence. D’un coup, il devenait adulte. Il passa son bras autour de la taille de Pouriquète et dit d’une voix posée :  
    —  Monsur Dubernet, je vous demande la main de votre fille Marie, la cadette. Les gens de votre âge m’ont appris, quand j’étais encore enfant, que les hommes sont libres et égaux en droits. Si c’était vrai et si vous le pensiez vraiment, alors vous devez respecter le libre choix que nous avons fait, Pouriquète et moi. Avec ou sans biens, je suis votre égal, monsur Dubernet, et je suis un homme libre.  
    Haussant les épaules et grommelant, Capulet détourna la tête.  
    — Il faudrait que je parle à tes parents.  
    — Vous pourrez leur parler. Nous vous attendrons ce soir à la Maison du Port pour le dîner d’accordailles.  
    Ce fut un repas improvisé. Rapinette, non sans rechigner, avait tiré de gros confits des toupins et Perrot était allé chercher au cellier les dernières bouteilles du vin de 1772, venues des propriétés du ci-devant seigneur d’Iquem. Rentré de Toulenne, Guitoun aida Bernard à dresser la table sur les tréteaux.  
    — Papounet est venu à Langon l’année dernière, dit-il. A ce qu’il paraît, tu es resté un vrai républicain.  
    — Pour ça, oui.  
    — Il n’y en a plus guère maintenant. La carraquère aux grenouilles va avoir son roi.  
    — Tu veux dire Bonaparte ?  
    — Oui, la Révolution est bien terminée. Nous, les petits, il faudra que nous reprenions la place qu’on nous laissera. Il n’y a qu’une chose de bonne avec Bonaparte : c’est qu’il est le seul à pouvoir faire la paix. Qu’est-ce que tu feras s’il y a la paix, Bernard ?  
    — Je rentrerai à Langon, j’épouserai Pouriquète et je reprendrai la navigation sur la Garonne.  
    — C’est un beau programme. Reste à savoir si on t’en laissera le temps.  
    L’abbé Lafargue arriva le premier. Il avait été invité par Rapinette. Bernard s’en étonna.  
    — Je croyais qu’elle vous appelait l’évêque du diable.  
    — Bah, les choses s’arrangent entre jureurs et non-jureurs. Dans peu de temps, le pape et le Premier Consul signeront un concordat qui rétablira la paix dans l’Eglise. Je t’ai appris à lire et à écrire, Bernard, mais j’ai l’impression que personne ne s’est beaucoup occupé de ton éducation religieuse.  
    — Si, il y a eu quelqu’un, mais je ne sais pas si le pape aurait été d’accord.  
    Il sourit intérieurement au souvenir de Suzanne Thilonier qui, à Baltimore, l’avait dépucelé en lui faisant réciter son rosaire.  
    — Enfin, tu crois en Dieu ?  
    — S’il existe, monsieur l’abbé, il a quelquefois de drôles d’idées.  
    — Tu sais ce qu’on dit : les voies du Seigneur sont impénétrables.  
    — Je croyais qu’il n’y avait plus de seigneurs.  
    — Celui-là est éternel.  
    — Alors ce n’était pas la peine de guillotiner les autres.  
    — Lui, on l’avait déjà crucifié.  
    La discussion théologique fut interrompue par l’arrivée de la famille Dubernet. Manifestement, Capulet était de mauvaise humeur. Il y eut un remue-ménage de bancs et chacun prit place, Pouriquète et Bernard à côté l’un de l’autre, l’abbé Lafargue leur faisant face avec Guitoun, Perrot et le père Hazembat à un bout de la table, Capulet à l’autre, Castagne à côté de lui. Rapinette et Hazembate faisaient le service.  
    L’abbé dit un bénédicité discret, puis les verres furent emplis.  
    En tant que maître de maison, il appartenait à Perrot de

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