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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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mit à rire. Il fallut un moment à Bernard pour comprendre. La gorge nouée, il mordait son poing jusqu’au sang. Puis il sauta au cou de son père.  
    —  Merci, pair ! Que t’aimiplan !  
    Doucement, Hazembat se dégagea et passa la main dans les cheveux broussailleux de Bernard.  
    — Je ne sais pas si tu dois me remercier. C’est un métier de chien mais, quand on a envie de le faire, il n’y a rien qui puisse l’empêcher.  
    Ils passèrent le 23 devant Agen, le 24 devant Valence et arrivèrent le 25 à Moissac. Pendant le trajet, Bernard n’eut guère le loisir de prendre des leçons d’anglais avec O’Quin. Sans cesse, Caprouil le tenait occupé. Il lui faisait épisser cinq fois de suite le même cordage, lui faisait faire et défaire les mêmes clefs, demi-clefs, tours morts, les mêmes nœuds plats, de plein poing, de vache, d’anguille, de gueule de raie, de jambe de chien. Le reste du temps, il y avait toujours un coin de pont à briquer ou une drisse à assujettir tout en haut du mât.  
    Les quatre jours qu’ils passèrent à Moissac furent de vraies vacances. Bernard en profita pour apprendre avec O’Quin tous les noms du gréement, de la vergue, yard, jusqu’aux belaying pins, les gros taquets de tournage qui servaient à raidir les haubans, mais pouvaient aussi, en cas de besoin, devenir de redoutables massues.  
    — Tu apprends vite, dit O’Quin. Quel âge as-tu ?  
    — Je viens de passer mes douze ans.  
    — C’est le bon âge pour faire un novice. Tu sais que notre maison arme des navires pour l’Amérique ? Ça ne te dirait rien de t’embarquer pour nous ?  
    — Il faut d’abord que j’apprenne le métier sur la rivière.  
    — Peut-être, mais songes-y. Quand j’aurai l’occasion de voir ton père, je lui en parlerai.  
    A terre, les négociations étaient entamées entre Courpon et les envoyés de Montauban. Chaque soir, le lieutenant Nougès apportait les nouvelles en même temps que quelques bonnes bouteilles de Gaillac ou de Cahors. Courpon avait refusé sèchement l’aide des Toulousains. L’envoyé personnel de Lafayette, Mathieu Dumas, était arrivé de Bordeaux et s’était rendu en personne à Montauban où il avait obtenu du maire Cieurac la promesse de faire libérer les cinquante-cinq patriotes emprisonnés. Le dimanche 30 mai enfin, il apporta des ordres. La municipalité de Montauban avait libéré les prisonniers. Elle acceptait de rentrer dans la Constitution, de dissoudre le régiment des dragons, de constituer une nouvelle garde nationale et de se soumettre à l’autorité de l’Assemblée nationale. L’armée patriotique bordelaise avait ordre de prendre immédiatement le chemin du retour.  
    Les eaux ayant baissé, la descente fut plus périlleuse que la montée. La deuxième gabare s’échoua à trois lieues en amont d’Agen et il fallut une demi-journée pour la dégager.  
    Pourtant, les gabares arrivèrent à Langon avec plusieurs heures d’avance sur les troupes de terre. Elles mouillèrent à l’aplomb de la Maison du Port.  
    Tout Langon était là pour les accueillir. Roumégous descendit dans la plate avec Caprouil et Bernard.  
    — Je vais tout de même aller trinquer !  
    Au moment où la petite barque débordait, O’Quin se pencha par-dessus le pavois et cria :  
    —  Fair winds to you, Hazembat !  
    — Good bye ! cria Bernard.  
    Dès qu’ils mirent pied à terre, on les assaillit de questions. Tandis que François Labat entraînait Roumégous à part pour l’interroger, Bernard courut embrasser sa mère qui pleurait et tante Rapinette qui faisait les gros yeux.  
    Mais elles avaient toutes deux l’air très fières de lui. Il allait les suivre dans la maison quand il sentit qu’on le tirait par la manche. C’était Pouriquète. Il la saisit sous les bras, la souleva et l’embrassa sur les deux joues.  
    — Je te raconterai mon voyage ! Elle le regarda sévèrement.  
    — Et ma fleur de vanille ? Tu me l’as rapportée ?  
    — Je ne suis pas encore allé assez loin cette fois, Pouriquète !  
    Les gabares reprirent le fil de la Garonne au moment où l’avant-garde de l’armée patriotique arrivait par le chemin de Castets. Pendant deux jours, Langon connut de nouveau le tohu-bohu du bivouac, mais les esprits étaient moins agités. Après tout, l’expédition des Bordelais avait tourné court et on ne leur ménageait pas les quolibets. Ceux-là même qui,

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