Marin de Gascogne
de la garde nationale se tenait à l’arrière. Deux matelots le hissèrent à bord.
— Lieutenant Nougès, de l’état-major du général Courpon, dit-il en saluant. Citoyen Roumégous, je suis heureux de te voir exact au rendez-vous.
— Je n’ai pas l’habitude de sangougner le travail, citoyen-lieutenant. Mais il faut dire que ce petiot-là m’a pas mal aidé : c’est un bon guide.
En s’entendant ainsi mentionner, Bernard éprouva une vive satisfaction, mêlée de surprise. Roumégous était chiche de compliments et le garçon apprécia celui-là à sa juste valeur. Le lieutenant lui jeta un coup d’œil et aperçut O’Quin qui se tenait à côté de lui.
— Tiens ! bonsoir, Claude. Tu prends le goût de la navigation ?
— Bonsoir, Alexis. Et toi, tu prends le goût du cheval ? Tels que je connais tes talents d’équitation, tu dois avoir mal aux fesses !
Roumégous s’impatientait.
— Bon ! le citoyen général a quelque chose à me faire dire ?
— Oui. L’avant-garde est passée à Marmande cet après-midi et elle campe à une demi-lieue de la ville. Le reste suivra demain. Nous serons dimanche à Agen et mardi à Moissac. Tu t’arrêteras là et tu attendras les ordres. Courpon va essayer de négocier.
— Il s se sont calmés à Montauban ?
— Il s n’ont probablement pas envie de se battre. Avant de se retirer, Nougès se tourna vers O’Quin.
— Claude, je loge chez notre ami Huguet. Si le patron t’autorise à quitter le bord un moment, il sera heureux de te faire goûter son vin de Clairac. Je crois que vous lui en avez commandé.
O’Quin lança un regard à Roumégous qui acquiesça de la tête.
— Ça va, les vinassiers, vous pouvez aller pintocher ensemble. Citoyen Coquin, je te libère pour la soirée.
— Et toi, citoyen Roumégous, dit Nougès, tu seras le bienvenu !
— Non, j’ai à faire à l’auberge. Il faut que je me trouve un guide pour le reste du voyage.
— Puis-je emmener le jeune Hazembat avec moi ? demanda O’Quin.
— Il m’accompagne à l’auberge. Lui aussi a des ordres à prendre de son général !
Hazembat était assis au fond de la salle avec son équipage. S’il fut surpris de voir son fils, il ne le montra pas. Roumégous et lui échangèrent une accolade.
— Tu n’as pas eu trop de mal, Roumégous ? Ce n’est pas ton trajet habituel.
— Il y a quinze ans que je n’étais pas remonté jusqu’ici. La rivière change. Et, avec leur putasse d’artillerie, je cale un pied de plus que d’ordinaire. Heureusement, j’avais un navigateur d’expérience. Je crois que tu le connais.
Bernard baissa la tête en sentant le regard de son père s’appesantir sur lui.
— J’étais au courant. Le courrier de la poste m’a apporté un message de sa mère hier soir à Tonneins. Mais, justement parce que je le connais, j’avoue que j’étais un peu inquiet pour toi !
— Tu avais tort. Ton drolas retient bien les choses de la navigation. Il fera un bon marin. Seulement, il ne connaît que jusqu’à Marmande. Il me faut quelqu’un pour remonter plus haut.
— Nous en avons parlé avec l’équipage. Caprouil t’accompagnera.
L’œil de Roumégous repéra la tête rousse le long de la table.
— C’est le fils de Montaudon ? Dire que je l’ai connu tout péquègne !
— Il va prendre le commandement de la Gigasse à la campagne prochaine.
— D’accord et merci ! Tu as l’intention de ramener le petiot sur Langon ?
Le silence d’Hazembat fit lever les yeux de Bernard. Impassible, son père le regardait d’un air pensif.
— Si je le ramène, dit-il enfin, quels que soient les services qu’il t’ait rendus, je suis forcé de considérer son aventure comme une escapade et donc de le punir. En ce cas, il est bon pour quelques solides coups de lanière sur l’ échiné . D’autre part…
Ses yeux ne cillaient pas. Nerveusement, Bernard mit son poing dans sa bouche.
— D’autre part, reprit Hazembat, j’ai décidé de le mettre dès septembre en apprentissage avec Caprouil sur la Gigasse. L’accord est quasiment conclu. Comme Caprouil t’accompagne, si le drôle s’embarque avec son futur patron sur ta gabare, on pourrait peut-être considérer que c’est le commencement de l’apprentissage.
Lentement, la paupière droite d’Hazembat s’abaissa et tout le monde se
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