Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
Vom Netzwerk:
mais je doute qu’on vous y admette dans cette tenue. Avezvous un message à lui transmettre ?  
    — Dites-lui, s’il vous plaît, que le matelot Hazembat est à bord de la Gigasse.  
    Ils logeaient dans une auberge de la rue Notre-Dame, tenue par un Tastet de Toulenne, un peu à l’écart du grouillement de la population portuaire autour des cabarets et des maisons de plaisir. Sur tout le quartier planaient des parfums exotiques de vanille et de rhum, mêlés aux relents de crasse, de vinasse et de goudron.  
    Le déchargement eut lieu le lendemain. La Gigasse n’avait pas de palan et les barriques étaient hissées en force par l’équipage, puis, bien encordées, on les laissait rouler jusqu’au quai le long de la planche. Là, une douzaine de débardeurs, engagés après d’interminables marchandages, les hissaient le long de la pente et les empilaient en haut du quai.  
    Ce soir-là, ils rencontrèrent Roumégous à l’auberge.  
    — Oh, funérailles ! s’écria-t-il, mais voilà mon pilotin ! Le métier entre, Hazembat ? Tu aurais dû être avec moi hier matin, quand j’ai doublé le bec d’Ambès ! C’était une drôle de gansouille !  
    Il se tourna vers l’homme maigre et moustachu qui l’accompagnait.  
    — Voilà un drôle qui ferait un fameux timonier pour toi, Lesbats.  
    — Il est un peu jeune. J’ai déjà mon plein de mousses. S’il avait deux ou trois ans de plus, je ne dis pas…  
    — Lesbats, expliqua Roumégous, commande la Belle de Lormont, le trois-mâts qui est mouillé à une encablure de vous. Il a commencé comme apprenti sur ma gabare. Maintenant, le voilà capitaine de haute mer.  
    — C’est un navire de guerre ? demanda Bernard, frappé d’admiration et de terreur devant un si haut personnage.  
    — Non, c’est un navire marchand, dit Lesbats, mais nous avons de quoi nous défendre : quatre pièces de neuf et une caronade.  
    — Il n’y a pas la guerre en ce moment ?  
    — Non, mais on peut toujours faire de mauvaises rencontres, répondit brièvement Lesbats.  
    Claude O’Quin fit son apparition le lendemain, avec le charroi de sa maison. Il ne portait pas son uniforme de garde national, mais un élégant manteau cintré de drap gris au revers duquel il arborait la cocarde.  
    Avec la permission de Caprouil, il emmena Bernard jusqu’à la maison O’Quin. Après avoir passé l’entresol où le commis s’inclina profondément, ils montèrent jusqu’au bel étage dont les hauts plafonds étaient ornés de moulures en stuc doré. Pour Bernard, c’était encore une découverte : jamais il n’avait vu d’habitation si vaste, si claire ni si confortable. Un feu de bois brûlait dans la cheminée de marbre blanc. O’Quin le fit asseoir dans un fauteuil couvert de tapisserie au petit point, puis frappa dans ses mains. Un domestique noir apparut. Bernard avait déjà vu des nègres, mais jamais d’aussi près. Celui-là portait une livrée de satin vert et rouge, aux culottes bouffantes.  
    — Porte-nous du café, dit O’Quin. Tu aimes le café, Hazembat ?  
    Il en avait goûté une fois quand Perrot en avait rapporté un petit sac de Bordeaux, pour faire griller. Mais tante Rapinette était chiche de sucre et il gardait le souvenir d’une décoction épaisse et amère dans laquelle il avait à peine trempé les lèvres. Ce qu’il buvait maintenant n’avait rien de commun avec cette potion peu appétissante. Le breuvage emplissait sa bouche et son arrière-gorge d’un arôme chaleureux, chargé de séductions insolites qui ajoutaient une sorte de magie au cadre irréellement confortable dans lequel il se trouvait plongé depuis son arrivée dans l’appartement des O’Quin. La propreté surtout le frappait. Elle n’était pas seulement dans le lustre des meubles ou dans la netteté des tapis, mais dans l’air même qu’on respirait. On était dans un autre monde où les bruits du port arrivaient comme une musique faite de coups sourds, d’appels et de murmures. Par la fenêtre, on ne voyait des navires au mouillage que les huniers doucement balancés sur le ciel blanc.  
    — As-tu songé à ma proposition de naviguer pour nous, Hazembat ? demanda O’Quin.  
    — Oui, citoy… monsieur.  
    — Je ne vois pas d’inconvénient à ce que tu m’appelles monsieur, mais en public il vaudra mieux t’en tenir au citoyen.  
    — Oui, mons… citoyen, mais je suis lié avec le patron Montaudon.

Weitere Kostenlose Bücher