Marseille, 1198
ne veux pas être votre maîtresse !
Elle lui tourna fièrement le dos pour rentrer et
il la rattrapa par l’épaule.
Avec brusquerie, elle repoussa sa main en lui
lançant :
— Laissez-moi ! Parlez à Guilhem. S’il
est d’accord, nous partirons, mais n’espérez rien de moi. Comprenez-vous ?
Dans la tour, les gardes avaient assisté à leur
dispute et se moquaient de ce chevalier incapable de se faire obéir d’une
femme.
Désemparé, Locksley la laissa s’éloigner et resta
un moment, le regard dans le vague, à considérer la plaine en contrebas.
Peut-être Fer était-il là, quelque part dans les bois qu’il apercevait, se
dit-il. Il tenta un moment d’apercevoir un signal, tout en se morigénant. Il
s’était conduit comme un sot. Marianne était morte et personne ne pourrait la
remplacer. Cette fille lui ressemblait, c’est tout. C’était une jongleuse et il
était comte de Huntington. Une famille qui descendait directement des rois
d’Écosse.
Ayant retrouvé son sang-froid, il partit à la
recherche de Nedjm Arslan qu’il retrouva près du four à pain où il se
réchauffait. Le Perse lui apprit qu’Ibn Rushd était retourné voir Hugues des
Baux et Locksley le conduisit devant la porte des prisons. Il l’emmena ensuite
dans la cour de la tour Paravelle et lui expliqua son plan. Il voulait agir
cette nuit.
— Il sera facile de détruire la porte, encore
faudrait-il être certain que le sire Roncelin se trouve enfermé derrière,
remarqua Nedjm Arslan après un moment de réflexion. D’autre part, si je peux
placer des pots à feu emplis de poudre à plusieurs endroits dans le château, je
n’en aurai pas assez pour provoquer beaucoup de destructions, car il faut que
j’en garde suffisamment pour détruire la porte du passage sur le plateau.
— Pouvez-vous en fabriquer ?
— J’ai déjà du soufre purifié en quantité.
J’ai besoin de charbon de bois, mais je pourrais facilement en obtenir à la
maison du four. Seulement il me faut aussi du sel de pierre. Ce sont de petites
aiguilles blanchâtres que l’on trouve aisément dans les caves et dans les
étables. Sans doute y en a-t-il dans les carrières autour du château, si on y a
entreposé du fumier. J’en chercherai tout à l’heure.
— Faisons d’abord le chemin qu’on aura à
parcourir des prisons au pont-levis. Nous marquerons ainsi les endroits où vous
mettrez vos pots à feu, proposa Locksley.
Chapitre 21
P endant
ce temps, Guilhem et Bartolomeo étaient sortis du château pour s’occuper de
leurs montures et reconnaître les environs. Guilhem voulait surtout savoir s’il
y avait d’autres passages que la porte fortifiée qu’ils avaient franchie pour
pénétrer sur le plateau rocheux.
Ils se rendirent d’abord aux moulins, examinèrent
la falaise abrupte, puis marchèrent jusqu’à la chapelle Saint-Blaise où
Bartolomeo voulut prier un moment. Un prêtre, qui habitait dans une grotte
proche, expliqua à Guilhem que les maisons qu’il apercevait plus bas, à flanc
de rocher, étaient occupées par des cardeurs et des tisserands qui achetaient
la laine aux bergers de la vallée. C’étaient eux qui avaient construit la
chapelle pour avoir un lieu de culte.
— Il n’y a pas d’enceinte devant leurs
maisons. Je suppose qu’ils se réfugient dans le château en cas de danger, fit
Guilhem.
— Le rocher est creusé de tunnels qui
conduisent à d’anciennes carrières. Ce sont des cachettes suffisantes, car
c’est un vrai dédale.
Guilhem montra la potence et le corps desséché.
— Qu’avait-il fait pour mériter ça ?
— C’est un paysan du val d’Enfer qui a logé
un colporteur sans le dire au maître. Castillon l’a découvert et a tué le
colporteur.
Ils furent interrompus par un tumulte de
hennissements, de martèlement de sabots et d’ordres qu’on clamait. Une troupe de
cavaliers arrivait à la porte d’entrée du plateau rocheux. Rapidement, ils la
virent passer sur le chemin qui conduisait au château : une bonne
trentaine d’hommes équipés de broignes à maillons de fer ou de casaques de
cuir, tous coiffés de cervelières, de chapels ou de casques pointus. La plupart
sans épée, mais avec des haches, des masses d’armes ou des épieux à pointes
dentées. Quelques-uns avaient des arbalètes, d’autres des lances et des
fauchards. En tête, un homme en haubert long et bassinet que Guilhem reconnut à
la bardiche attachée à la selle. Derrière
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