Marseille, 1198
rentre de Palestine.
— Vous connaissez le roi Richard ?
— Je l’ai connu en Angleterre.
— Vous repartez quand ?
— Je devrais déjà être sur la route, mais
votre frère désire que le médecin que j’escorte reste quelques jours pour le
soigner. Nous repartirons dès que le seigneur des Baux nous le demandera.
— Vous avez vu les comédiens ?
— Oui, surtout la jongleuse, qui est
charmante ! plaisanta Locksley.
— Êtes-vous resté longtemps en
Palestine ? intervint Hugues des Baux.
— Pas assez pour délivrer Jérusalem, noble
seigneur. Deux ans seulement, mais je serais encore là-bas si je n’avais reçu
une lettre de mon roi me demandant de revenir avec maître Ibn Rushd.
— Le comte de Huntington tire à l’arc, fit
encore Hugues des Baux. Tu devrais jouter avec lui, Rostang, pour savoir qui de
vous deux est le meilleur.
— Pourquoi pas, s’il aspire à être
défait ! ricana Castillon. Ce n’est pas un Anglais qui sera mon
maître !
À cet instant, Baralle entra avec une servante.
Elle fronça imperceptiblement les sourcils en découvrant le chapelain dans un
coin de la pièce. Robert de Locksley remarqua son attitude, puis fut frappé par
le changement d’expression de Castillon. Le frère de Hugues des Baux paraissait
submergé par des émotions qu’il ne parvenait pas à cacher. Il baissa même les
yeux pour dissimuler la violence de son trouble.
Baralle parut ne s’apercevoir de rien et,
s’approchant de son mari, elle lança sèchement à la cantonade :
— Le nouveau médecin ne souhaite pas que mon
époux reçoive du monde dans sa chambre. Il va maintenant dîner avec le lait et
le pain que je lui porte. Pouvez-vous nous laisser.
— Plus de lait de chèvre ? s’enquit
Castillon ironiquement.
— Non.
Locksley s’inclina et se retira.
— Nous nous reverrons ce soir, seigneur
Locksley, fit Castillon en le suivant avec Basile.
La phrase sonna comme une menace.
Les entrailles criant de malefaim et attiré par
des odeurs appétissantes, Locksley se rendit dans la salle à manger près du
four à pain où les gens du château prenaient leur repas. Il trouva une place à
l’une des deux grandes tables et reçut une écuelle de soupe de choux sur une
épaisse tranche de pain de seigle et de froment. La soupe, mélangée à du vin,
le réchauffa tout de suite. Il y avait des pots sur la table et de grosses
cruches de vin. Tandis qu’une domestique le servait, il aperçut à l’autre table
les chevaliers Martial d’Arsac et Foulque Chabrand qui lui firent un signe
amical.
Après la soupe, on lui versa un ragoût de sanglier
sur une autre tranche de pain. Il y avait beaucoup de monde autour de lui, des
palefreniers, des serviteurs et des gardes, bien sûr. Quelques femmes, au bout
de la table des chevaliers, mangeaient avec leurs enfants.
Locksley avait presque terminé quand il vit entrer
Nedjm Arslan et Bartolomeo qui s’installèrent près de lui en écartant ses voisins.
Nedjm lui dit qu’il avait trouvé ce qu’il cherchait, et qu’il retournerait dans
l’après-midi pour en ramasser. Locksley hocha la tête et sortit. Il retrouva
Ibn Rushd dans leur chambre et lui détailla le plan qu’il envisageait. Le
musulman ne parut pas enthousiaste.
— Je pourrais vous dire que c’est parce que
je trouve que votre dessein a des faiblesses. Mais ce n’est pas pour ces
raisons que j’hésite à vous approuver.
— Quelles faiblesses ? demanda Locksley,
irrité.
— La première est que nous n’avons aucune
certitude quant à la présence de Roncelin dans les cachots.
— Où pourrait-il être ? Il y a un
prisonnier ici depuis une dizaine de jours. Ce ne peut être que lui !
Ibn Rushd fit la moue.
— L’incendie provoquera des morts, des
innocents, des enfants, s’inquiéta-t-il.
— Comment les éviter ? Nous savions
qu’il y aurait des victimes. Mieux vaut que ce soit eux que nous, c’est ainsi
dans toutes les guerres !
— C’est juste, mais la vraie raison est que
j’aimerais avoir le temps de découvrir de quel mal souffre Hugues des Baux.
— Ce n’est pas possible. Castillon se méfie
visiblement de moi, de nous tous sans doute. Rester plus longtemps, c’est
courir le risque de commettre une erreur et de nous découvrir.
Ibn Rushd soupira.
— C’est certain. Préparons donc tout pour
demain, comme vous le souhaitez.
— Ce soir, après le souper et le spectacle,
nous examinerons combien il y
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