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Marseille, 1198

Marseille, 1198

Titel: Marseille, 1198 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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et il
était chaussé de bottes avec ses éperons de chevalier. Elle ne portait qu’une
simple robe de laine grège et un grand châle.
    Comme s’il lui contait fleurette, il se promena un
moment avec elle. Bien qu’il y ait perpétuellement du monde autour d’eux elle
parvint à lui montrer la porte de la prison, puis il lui demanda s’il y avait
un endroit où ils pourraient parler sans qu’on les entende.
    Elle le conduisit dans la cour de la tour
Paravelle et ils montèrent, par les marches creusées dans le roc, jusqu’au
sommet de la forteresse. Là, en suivant le rocher par la crête, s’ils n’étaient
pas à l’abri des regards des gardes, ceux-ci ne pouvaient écouter ce qu’ils se
diraient.
    — Que vouliez-vous me dire, noble
comte ? demanda-t-elle mi-moqueuse, mi-sérieuse. J’espère que ce ne sont
pas des propositions que je ne pourrais entendre.
    C’est au castrum de Sallone que Locksley avait
révélé à Anna Maria son étonnante ressemblance avec son épouse décédée. Cette
fadaise l’avait d’abord fait sourire, c’était la première fois qu’un homme
inventait cela pour la mettre dans son lit. Puis comme il avait insisté, elle
avait marqué son indifférence. Elle n’éprouvait aucun sentiment envers ce noble
anglais. Il était comte et elle jongleuse. Elle savait que dans quelques jours
il serait sorti de sa vie et elle n’envisageait pas de devenir sa maîtresse.
    Mais Locksley était sincère même s’il ne voyait en
elle que celle qu’il avait vue mourir. Depuis qu’il avait rencontré la
jongleuse, la passion éprouvée pour Marianne lui brûlait à nouveau le cœur, et
avec elle l’insupportable douleur de sa disparition.
    Il ne voulait pas perdre la jeune Italienne, et
c’était la raison de cette entrevue.
    Rassurez-vous, Marianne, fit-il sans se rendre
compte qu’il mélangeait les prénoms. Hugues des Baux nous a demandé de rester
quelques jours. J’ai bien réfléchi cette nuit où je ne trouvais pas le sommeil.
Vous m’avez montré la porte des prisons et je n’ai pas besoin d’en savoir plus.
Vous et votre frère avez fait votre part du contrat. Nous n’avons plus besoin
de vous. Partez dès demain.
    Elle ne s’attendait pas à ces paroles et resta
interdite. Soulagée aussi, car elle avait peur de ce qui pourrait lui arriver
et des supplices qu’elle subirait s’ils étaient pris. Mais pouvait-elle
accepter ? Depuis la mort de sa mère et du cardinal Ubaldi, elle n’avait
connu aucun ami, à part son frère, bien sûr. Or, durant les trois jours du
voyage, elle avait eu le sentiment apaisant d’appartenir à une vraie
fraternité.
    Quitter ces compagnons ainsi n’était-il pas un
lâche abandon ?
    — Agiriez-vous ainsi à ma place ?
    — Je suis un homme d’armes, Marianne !
Je sais affronter le danger et me défendre contre lui.
    — Qu’allez-vous faire, si nous partons ?
    — Arslan détruira la porte des cachots après
avoir posé une boîte de poudre noire. Nous délivrerons Roncelin et nous
mettrons le feu au château. Dans le désordre qui suivra, nous gagnerons le
pont-levis l’épée à la main. Nous sortirons et nous emparerons des chevaux. La
nuit, il ne doit pas y avoir une forte garde à la porte du plateau et nous
passerons sans peine. Si vous et votre frère êtes avec nous, vous nous gênerez.
    — Je vous gênerai moins qu’Ibn Rushd et Nedjm
Arslan qui ne savent pas se battre. Serez-vous seul à affronter toute la
garnison ? Guilhem restera-t-il ? Et Roncelin se battra-t-il avec
vous ? Que ferez-vous s’il est blessé ou enchaîné ?
    — S’il est enchaîné, Nedjm Arslan fera fondre
ses fers, ou je les briserai d’un coup de hache. Quant à Guilhem, il restera
avec nous. Vous n’avez qu’à vous disputer avec lui pour avoir un prétexte de
séparation.
    — Lui avez-vous parlé ?
    — Je vais le faire, les autres sont d’accord.
    Il ajouta, la gorge nouée :
    — Je vous en prie, Marianne, faites ce que je
vous demande. Partez retrouver le viguier à la bergerie et attendez-nous. Quand
je vous aurai rejointe, j’aurai encore à vous parler.
    — De quoi donc ? demanda-t-elle,
glaciale.
    — Resteriez-vous avec moi ? demanda-t-il
à brûle-pourpoint.
    — Pourquoi le ferais-je ? Parce que je
ressemble à votre épouse ? demanda-t-elle agressivement.
    Vous vous trompez, Robert de Locksley, je ne suis
pas Marianne, je suis Anna Maria Ubaldi, une jongleuse ! Je ne vous aime
pas et je

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