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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Le journal La Presse, en particulier, appelait des réformes de la procédure de mise en accusation.
    Tous les journaux, pas seulement celui de la rue Saint-Jacques, dressaient
    des
    récits
    détaillés
    des
    événements
    en
    s’appuyant sur les témoignages entendus. Les meilleurs affrontements entre la Couronne et la défense faisaient l’objet de longues citations. Avec sa couleur locale, l’histoire valait bien des fois Les Deux Orphelines, et tous les récits larmoyants du même acabit.
    Le lendemain matin, sans surprise, Mathieu constata que la foule des curieux s’étendait sur le trottoir en face de l’entrée du palais de justice, inondait même les pelouses de l’hôtel de ville. Le juge pensait avoir réglé le problème de l’affluence en limitant l’accès de la salle d’audience aux journalistes, aux avocats et aux étudiants en droit. Depuis la veille, des imprimeurs s’efforçaient de produire de fausses cartes professionnelles: des opportunistes moins curieux des histoires scabreuses louaient la leur.
    Puis, il fallait compter encore avec tous ceux qui ne possédaient ni vraie ni fausse carte et demeuraient tout de même résolus à passer la journée dans les environs pour entendre les premiers la rumeur.
    Le jeune stagiaire traversa les premières vagues des assiégeants en jouant des coudes et en clamant travailler pour le bureau du procureur général. Dans l’édifice, un agent de la paix le reconnut et l’aida à se rendre devant la salle d’audience. Dans le couloir, il vit Marie-Jeanne, assise sur une chaise, seule parmi la multitude. Un homme en uniforme, présentant l’allure d’un bouledogue, s’assurait que personne ne lui parle. Autrement, les journalistes ne se seraient pas privés, ni même les badauds. Il s’accroupit devant elle et commença :
    — As-tu pu dormir un peu ?

    Elle fit non de la tête, avant de chuchoter :
    — Tous ces gens dehors, ils sont venus pour m’entendre ?
    — La plupart ne pourront pas entrer. Mais la salle sera tout de même pleine.
    — J’ai peur.
    Le jeune homme se releva, toisa l’employé.
    — On ne peut pas la laisser dans cette meute, commenta t-il. Elle ne sera même pas appelée la première ce matin, seulement la seconde.
    — D’habitude...
    — D’habitude, les enfants ne témoignent pas contre leurs parents.
    Mathieu avait retrouvé la voix utilisée dans les Flandres pour donner des ordres.
    — Il y a bien une salle, pour les notables.
    — Vous avez vu ici quelqu’un de plus notable qu’elle, ce matin ?
    A la fin, l’homme acquiesça, chercha une clé dans sa poche pour les laisser entrer dans une petite pièce au bout du corridor.
    — Vous viendrez nous chercher tout à l’heure. D’ici là, dites à Fitzpatrick où nous sommes.
    Une table basse se trouvait au milieu de la salle, quatre chaises recouvertes d’un tissu rouge grenat disposées autour.
    La fillette ouvrit de grands yeux, impressionnée par la beauté des lieux. Cela la changeait des maisons de Sainte-Philomène, et aussi des orphelinats.
    — Prends cette chaise, je vais attendre avec toi.
    Elle lui adressa un regard chargé de reconnaissance. Ni l’un ni l’autre ne souhaitait aborder la comparution à venir, sans toutefois pouvoir penser à autre chose. Aussi restèrent-ils silencieux pendant qu’une autre demi-sœur de Télesphore Gagnon affirmait n’avoir jamais rien vu d’anormal dans la vie de famille de l’accusée.
    Après une vingtaine de minutes, l’agent de la paix frappa doucement à la porte, l’entrouvrit pour dire :
    — C’est à son tour.
    Mathieu se leva le premier, la contempla. Elle mit un instant avant de quitter la chaise, accepta la main tendue et, la mine basse, lui emboîta le pas.
    — Tu seras là ?
    — A la table, juste devant toi.
    L’employé ouvrit la porte de la salle d’audience pour eux.
    Plusieurs dizaines d’yeux se tournèrent dans leur direction, curieux, inquisiteurs même, puis un brouhaha se fit entendre.
    Le juge Pelletier fit claquer son maillet, énonça très fort:
    — A l’ordre. Ne me forcez pas à décréter le huis clos complet.
    Il se tourna ensuite en direction de la barre des témoins.
    — Alors, docteur Marois, vous avez effectué la petite addition ?
    Le médecin avait quitté l’Hôtel-Dieu pour venir donner l’information requise lors de son témoignage.
    — Cinquante-quatre, en tout.
    — Toutes attribuables à des coups ? demanda Francœur, depuis sa table.
    — Non,

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