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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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connaissait les usages de la cour. Son heure de gloire se terminait. Bien élevée, en quittant la barre, elle fit un crochet par la table de l’accusation.
    — Monsieur Picard, comment allez-vous ? demanda-t-elle, la main tendue, un sourire sur les lèvres.
    La sociabilité de village cadrait mal avec une salle d’audience. Le juge contemplait la scène, un peu amusé, l’avocat de la défense fulminait. Un coup de maillet attira l’attention de tout le monde.
    — Nous allons suspendre l’audience pour dix minutes, déclara le magistrat.
    Personne ne se leva pour aller fumer ou passer par les toilettes, de crainte de perdre sa place. L’intermède permit au stagiaire de retrouver son savoir-vivre.
    — Je vais bien, madame, répondit-il en se levant.
    Retournerez-vous à Sainte-Philomène cet après-midi ?
    — Cet avocat a gaspillé tellement de temps, en répétant trois fois les mêmes questions que j’ai raté le train. On sait bien, il ne me paiera pas la chambre d’hôtel. Je vais donc aller « aux vues » ce soir.
    Elle ne paraissait pas trop déçue du contretemps, mais le coup de griffe lui fit plaisir : Francœur tendait justement l’oreille pour tout entendre.
    — Vous savez si les autres enfants se portent bien ?
    demanda-t-elle.
    —Je suis allé les voir à l’hospice Saint-Joseph-de-la-Délivrance.
    Cela me semble un établissement très bien tenu.
    — Oréus me disait la même chose. C’est triste pour eux, mais ils sont mieux là qu’à la maison.
    — Je le crois aussi.
    Exilda contempla la grande salle, puis elle déclara :
    — Bon, je vous laisse travailler. Adieu.
    — Plutôt au revoir.
    — C’est vrai, ensuite il y aura le procès de Télesphore.
    Après un dernier salut de la tête, elle s’éclipsa. En passant devant la table de la défense, elle renifla avec ostentation.
    — Vous avez été apprécié là-bas, commenta Fitzpatrick dans un sourire.
    — Je suis allé à une veillée chez elle, répondit Mathieu en reprenant sa chaise. Normalement, j’aurais dû l’inviter chez moi pour la remercier. Toutefois, je la vois mal dans le salon de ma maison de chambres... Il s’y trouve trois députés, tous avocats. La discussion serait devenue orageuse.
    — Elle l’aurait emporté.

    Le substitut du procureur paraissait très satisfait de l’après-midi.
    — Avons-nous progressé ? demanda le stagiaire.
    — Les jurés l’ont aimée. L’allusion à ses activités illicites les a fait sourire. Tu vois, quand elle parle de mauvais traitements, elle ressemble à une bonne mère de famille, alors que mon collègue semble être un sadique en liberté.
    Il n’a pas la tâche facile.
    Sur ces mots, Fitzpatrick se pencha un peu vers l’avant pour regarder Francœur et lui adresser un petit sourire ironique.
    — Evidemment, cette dame a semé des soupçons, souffla-t-il. Le témoignage de Marie-Jeanne devra transformer cela en certitudes, maintenant.
    «Evidemment», songea Mathieu alors que le prochain témoin gagnait la barre.

    Chapitre 19

    Dans sa robe fleurie, coiffée d’un chapeau de paille, Marguerite Lebœuf paraissait plus jeune qu’à l’enquête préliminaire, plus intimidée aussi. Cela venait peut-être de la dimension de la salle, de la foule exclusivement masculine, et aussi du fait que maintenant, c’était «pour de vrai ».
    La silhouette de l’échafaud se dressait dans les esprits.
    Tout en se faisant rappeler de parler plus fort, tant par le substitut du procureur que par le juge, elle reprit le récit détaillé de ses quelques jours passés chez les Gagnon durant l’été de 1919, en y ajoutant un seul élément inédit: l’usage d’un fer à friser comme d’un instrument de torture.
    Les jurés retiendraient de ses paroles le climat délétère de la maison, au point où une grande jeune fille robuste prenait la fuite, effrayée. Surtout, des mois avant la mort de l’enfant, la rumeur des mauvais traitements circulait déjà dans le milieu de l’accusée.
    La contribution de Marguerite Lebœuf prit si peu de temps que le juge put appeler ensuite Rose-Anna Gagnon, mariée à Octave Hamel, la demi-sœur de Télesphore.
    Mathieu se demanda s’il fallait, dans les circonstances, parler de la demi-belle-sœur.
    Lors de la veillée funèbre pour Anthime, son frère, la famille avait eu l’occasion de resserrer les liens... et de discuter de l’éducation des enfants.

    — Quand êtes-vous allée chez les Gagnon ? demanda

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