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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Après avoir évoqué son souvenir le plus marquant, voilà que son interlocuteur la ramenait vers un passé plus lointain.
    — Commencez par le commencement. Indiquez la première fois où vous avez remarqué quelque chose d’anormal.
    — C’est l’été passé, pour son pied.

    — Je vous écoute.
    — Elle a pris un éclat de bois, elle l’a battue sur le pied, il lui a enflé.
    Fitzpatrick voulut connaître la longueur et l’épaisseur de la pièce de bois.
    — Pourquoi Pa-t-elle battue comme ça ? interrogea-t-il.
    — Je ne peux pas me rappeler au juste à propos de quoi.
    — Vous l’avez vue le faire ?
    — Oui.
    Mathieu regarda l’accusée se raidir dans sa boîte, se tordre les mains.
    — Après l’avoir battue, qu’est-ce qui est arrivé à Aurore ?
    — Le pied lui a enflé. Le lendemain, elle l’a envoyée dans un champ, pour voir si ses petits garçons étaient revenus.
    — Quels petits garçons ?
    — Ses deux petits garçons à elle, Georges et Gérard.
    Curieux et journalistes apprenaient à démêler la composition de cette famille. Que les deux époux successifs de l’accusée aient porté le même patronyme ne simplifiait pas la tâche.
    — Et puis ?
    — A son départ, son pied était enflé comme à son retour.
    Pourtant, elle a dit que c’était le petit Bédard et le petit Gagnon...
    — Nous allons reprendre cette histoire. Votre petite sœur est partie pour le champ ?
    La fillette fit oui de la tête.
    — Maintenant, quand elle est revenue, qu’est-ce qu’elle a dit?
    — Elle a dit que c’était Eugène Bédard et Alfred Gagnon qui l’avaient blessée au pied. Moi, je pense que c’est parce qu’elle avait peur de se faire battre.
    Pour ménager son bourreau, la petite fille prenait sur elle de trouver des responsables de ses mauvais traitements.
    — Après cet incident-là, mademoiselle, votre petite sœur est-elle restée chez vous ?
    — Non, elle est allée à l’hôpital.
    — Savez-vous où ?
    — À PHôtel-Dieu.
    Fitzpatrick hocha la tête, pour l’encourager. Les phrases devenaient un peu plus fluides, le récit se clarifiait.
    — Quand elle est revenue à la maison, étiez-vous là ?
    — Oui.
    — S’est-il passé quelque chose d’étrange à cette époque ?
    — Pendant un mois, rien. Après, elle a recommencé à la maganer.
    La belle-mère avait sans doute pris de l’assurance, car ses premiers sévices étaient passés inaperçus. Ou encore, elle profitait de l’isolement de la mauvaise saison, pendant laquelle les enfants demeuraient confinés dans la maison.
    — Qu’est-ce qu’elle lui a fait ?
    — Elle a commencé par la battre avec des éclats de planche, des cercles de quart.
    — Ça lui arrivait souvent de la frapper ainsi ?
    — Presque à tous les jours.
    De nouveaux commentaires parcoururent la salle.
    — A propos de quoi la battait-elle comme ça ?
    — Des fois, elle lui faisait faire un ouvrage. Si elle prenait du temps un peu, elle la battait.
    — Toujours avec des éclats de bois, des planches de quart ?
    — Non. Elle utilisait aussi des harts, un fouet...
    Le substitut du procureur marcha jusqu’à la table où se trouvaient les pièces à conviction.

    — Avec ce fouet? demanda-t-il en lui présentant l’objet.
    — Non, il n’est pas là.
    Par la suite, la fillette identifia l’une des harts utilisées pour maltraiter sa sœur.
    — L’a-t-elle battue avec autre chose?
    — Avec le tisonnier.
    — Celui-là, ici.
    Fitzpatrick tenait une pièce en fer longue de vingt pouces peut-être, terminée par un crochet. Chacun dans la salle retint son souffle.
    — L’a-t-elle battue souvent avec ça ?
    — J’ai eu connaissance de deux ou trois fois, sur la tête.
    — Elle cognait fort ?
    — Assez fort pour lui faire enfler la tête.
    Avec une arme de ce genre, elle pouvait la tuer. La fascination paralysait tous les auditeurs.
    — L’a-t-elle frappée ailleurs?
    — Sur les genoux, avec un éclat. Ils ont enflé, l’un des deux a « abouti ».
    Elle évoquait l’une des plaies attribuables au liquide purulent qui finissait par percer la peau.
    — Qu’est-ce qu’elle faisait alors, votre petite sœur ?
    L’avocat prenait soin d’établir ce lien fraternel le plus souvent possible. Implicitement, il voulait l’inciter à lui rendre justice.
    — Elle criait. Maman disait que si elle criait encore, elle en aurait plus.
    Dans la salle, la moitié des spectateurs essuyaient discrètement une larme, le juge ne

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