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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Fitzpatrick.
    — C’était le 16 janvier, je pense.
    — Avez-vous vu Aurore, ce jour-là ?
    — Oui... elle avait les deux yeux au beurre noir.
    La jeune femme serrait son sac à deux mains, parlait d’une voix saccadée. Impressionnée, elle débitait ses vérités devant des jurés attentifs.
    — À ce propos, l’accusée vous a dit quelque chose ?
    — Bien, j’ai dit à madame Gagnon de faire venir le médecin. Elle a répondu: «Il va falloir dépenser encore cinquante piastres pour cette enfant-là? Qu’elle crève! Je ne verserai jamais une larme. » L’enfant avait l’air d’avoir froid. Le père est arrivé et il a dit à Aurore d’aller se coucher.
    Un murmure parcourut la salle. Mathieu devina que Lauréat Couture s’était démené pour la convaincre de révéler cela.
    — Elle disait ces mots devant l’enfant?
    — Oui.
    — Je n’ai pas d’autres questions, Votre Honneur.
    Napoléon Francœur prit le relais sans entrain. Pour connaître la date exacte de la fameuse conversation, elle se remémora celle du décès de son frère, le 13. Réactiver les souvenirs de cette femme se révéla une arme à double tranchant.
    — Quand je l’ai vue avec les yeux noirs, l’accusée m’a dit : « Elle est tombée sur la porte du poêle. » En s’adressant à Aurore, elle a ajouté : « C’est bien ici que tu es tombée ? »
    — Qu’a-t-elle dit?
    — Elle a répondu oui, mais quand elle est montée se coucher, Télesphore a dit: «C’est du froid qu’elle a pris aux pieds, cela lui a monté à la tête. »
    Le couple s’emmêlait dans ses mensonges. La femme avait bien l’intention d’exprimer son point de vue sur la question.
    — Je leur ai dit que cela n’avait pas de bon sens. Alors, ma belle-sœur a lancé toute une série de condamnations.
    Selon elle, Aurore était voleuse, têtue, salope, impure.
    Enfin, elle avait tous les vices imaginables.
    — Ce n’était pas vrai ?
    Le témoin haussa les épaules, comme si l’abondance des accusations elle-même devenait suspecte.
    — Je n’ai plus de question, Votre Honneur.
    — Dans ce cas, déclara Fitzpatrick en se levant, je prendrai le relais. Il serait dommage de s’arrêter en si bon chemin, je vais réinterroger madame.
    L’avocat de la défense le fusilla du regard, pour obtenir un large sourire.
    — Madame Gagnon, à part les yeux, avez-vous observé d’autres blessures ?
    — Elle en avait sur les pieds, sur les jambes... Avec les vêtements, ailleurs, on ne voyait pas...
    — Avez-vous abordé ce sujet avec l’accusée ?
    — Oui. Elle a répondu: «C’est la tuberculose, nous allons tous mourir de ça. »
    Après le témoignage d’Exilda Lemay, sur l’espoir d’un décès discret, une prédiction de ce genre paraissait lugubre.
    — Marie-Anne Houde s’efforçait-elle de soigner ces plaies ?
    — Elle a affirmé les graisser avec des onguents.
    — Avez-vous été heureuse de voir votre frère épouser cette femme ?
    — Non, pas du tout. Je lui avais dit de ne pas le faire.

    La réponse avait fusé spontanément, c’était un cri du cœur.
    — Et pourquoi donc ?
    — Elle n’aimait pas les enfants, cela se voyait bien.
    Le substitut du procureur déclara en avoir terminé.
    Francœur revint à la charge sans entrain.
    — Avez-vous discuté de votre témoignage avec d’autres personnes, avant aujourd’hui ?
    — Bien sûr. Tout le monde parle de cela, dans la paroisse.
    La réplique suscita un rire bref dans l’assistance.
    — Avez-vous formulé le souhait que l’accusée soit pendue, notamment dans le train vous conduisant ici ?
    — Ah ! Ça, jamais.
    Chacun douta de la véracité de la prétention, sans toutefois en tenir rigueur à la paysanne. Celle-ci quitta ensuite la barre.
    — Vu l’heure tardive, décida le juge Louis-Philippe Pelletier, nous reprendrons l’audience demain.
    L’assistance se dispersa à regret, déçue de voir la représentation s’interrompre.

    *****
    La ville de Québec se trouvait en émoi, tout le monde ne parlait plus que du procès de la marâtre. Les personnes présentes à la cour en étaient sorties la tête bourdonnante des horreurs entendues. Alors que dans un premier temps, certains évoquaient l’empressement de fonctionnaires trop zélés à se mêler de la vie privée des habitants, maintenant, tous supputaient des histoires d’horreur se déroulant derrière de multiples
    portes
    closes.
    Ce
    couple
    monstrueux
    ne
    pouvait être le dans la province.

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