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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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valait guère mieux. Les journalistes conviendraient tous de la pertinence d’avoir limité l’accès des spectateurs, car la colère aurait entraîné des scènes disgracieuses.
    — Maintenant, mademoiselle, vous dites que votre mère l’a brûlée ?
    — Oui.
    — Quand a-t-elle brûlé votre petite sœur pour la première fois ?
    — Au mois de janvier.
    La voix s’était faite toute petite, presque inaudible.
    — A propos de quoi l’a-t-elle brûlée ?
    — Elle faisait ses besoins partout. Maman ne voulait pas lui donner le pot...
    — Vous pouvez me répéter la raison ?
    La gamine réussit à articuler juste un peu plus fort :
    — Maman refusait de lui donner le pot, alors elle faisait par terre. Elle la brûlait pour ça.
    — Qui ne voulait pas lui donner le pot ?
    — Maman.
    En la faisant répéter, Fitzpatrick entendait bien ne pas laisser d’équivoque dans l’esprit des jurés. Le juge Pelletier décida d’apporter sa contribution.
    — Mademoiselle, vous dites qu’elle faisait ses besoins ailleurs qu’à l’endroit où elle devait les faire ?
    — Oui, parce que maman ne voulait pas lui donner le pot.
    — Parce que votre mère ne voulait pas lui donner le pot?
    Le magistrat paraissait éberlué. Lassée de répéter sans cesse la même chose, Marie-Jeanne le regarda de ses grands yeux bruns.
    — Pourquoi ne voulait-elle pas lui donner le pot ? questionna le substitut du procureur.
    — Pour lui faire faire pénitence.
    — L’avez-vous entendue dire ça?
    — Oui.
    Férus de catéchisme, tous ces gens comprenaient la nécessité de se mortifier pour gagner son ciel. Marie-Anne Houde inventait, pour la petite fille, de bien curieuses façons de faire pénitence. «Avec l’aval de l’abbé Massé?»
    se demanda Mathieu.
    — Pendant combien de temps a-t-elle fait ça ?
    — Pendant un mois.
    — Est-ce que l’enfant pouvait sortir dehors ?
    L’homme sous-entendait: «Pour se rendre à la bécosse. »
    — Non.
    — Pourquoi ?
    — Elle ne voulait pas qu’elle sorte dehors, et puis...
    Le juge Pelletier fit encore en sorte que tout le monde comprenne bien.
    — Qui ne voulait pas ?
    — Maman refusait de la laisser sortir. Et si elle la laissait passer la porte, elle ne lui donnait rien à se mettre dans les pieds.
    Les mauvais traitements avaient commencé en décembre, selon Marie-Jeanne, et Aurore était morte en février. La marâtre la condamnait à se rendre à la bécosse pieds nus au cœur de l’hiver, ou à être brûlée si elle «s’échappait» par terre ou dans ses vêtements.
    — Maintenant, poursuivit le procureur de la Couronne, l’avez-vous vue la brûler ainsi ?
    — Oui.
    — Avec quoi ?
    — Avec un tisonnier.
    — Celui qui est ici ?
    — Oui.
    Marie-Jeanne arrivait enfin là où elle aurait aimé commencer ses confidences.
    — Comment s’y prenait-elle pour la brûler ?
    — Elle l’attachait à la table.

    — Comment Pattachait-elle ?
    — Elle l’attachait par les pieds, avec un câble.
    Un « Oh ! » horrifié vint de la salle. Fasciné par le récit, le magistrat n’utilisa même pas son maillet. Des larmes coulaient maintenant sur ses joues.
    — Regardez ici, ordonna le substitut en s’approchant des pièces à conviction. Vous avez déjà vu ce câble ?
    — Oui.
    — Où l’avez-vous vu ?
    — Elle a attaché ma petite sœur à la table avec ça.
    Le magistrat porta son regard sur l’accusée, puis il demanda :
    — Cette corde a servi à attacher votre petite sœur à la table ?
    — Oui, monsieur.
    Parmi toutes les personnes présentes, seule Marie-Jeanne ne regardait jamais en direction de sa belle-mère.
    Le plus souvent, s’ils ne se fixaient pas sur ses interlocuteurs, ses yeux cherchaient Mathieu.
    — Comment s’y prenait-elle pour la brûler ? demanda encore l’avocat.
    — Bien, après l’avoir attachée, elle la brûlait partout.
    — Où faisait-elle chauffer le tisonnier ?
    — Dans le poêle, par la petite porte, devant, ou en enlevant un rond sur le dessus.
    — Disiez-vous quelque chose, vous ?
    Pour la première fois depuis le début de son témoignage, la petite fille baissa les yeux de honte.
    — Non. Elle nous faisait regarder par la fenêtre, mes frères et moi, pour voir s’il ne venait pas quelqu’un.
    — Comment réagissait votre petite sœur quand elle se faisait brûler comme ça ?

    — Elle criait, elle criait...
    Cette fois, les larmes coulèrent sur ses joues.
    — Pour la faire taire, souffla-t-elle,

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