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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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avec le tisonnier.
    Maintenant, chacun savait pourquoi le docteur Marois avait pu retirer plusieurs onces de pus de son cuir chevelu.
    Il évoqua ensuite les blessures au front, aux yeux. Puis, il en vint au dernier jour de la vie de la victime.
    — Vous rappelez-vous du moment de la mort de votre petite sœur ?
    — Oui.
    — Le soir qui a précédé sa mort, où a-t-elle couché ?
    — Par terre, sur une paillasse.
    — Celle-là?
    Le détective Couture l’avait rapportée dès sa première visite dans la maison. La fillette confirma d’un mouvement de la tête.
    — A-t-elle couché en haut ou en bas ?
    — En haut.
    — Le matin du jour de sa mort, avez-vous vu votre petite sœur?

    — Oui.
    L’émotion l’étranglait un peu. Elle perdait l’assurance acquise un peu plus tôt au fil des questions.
    — Racontez-moi ce qui s’est passé.
    — Elle était en haut. Papa était parti pour aller travailler dans le bois. Maman est montée en disant : « Elle ne restera pas couchée toute la journée, cette vache-là. »
    — Est-ce qu’elle a parlé à votre petite sœur ?
    — Oui, elle a dit: «Tu fais bien de descendre, si tu n’as pas envie que je te jette en bas de l’escalier. »
    Mathieu regarda l’accusée drapée de noir. Toute la délicatesse maternelle incarnée ! L’enfer avait marqué les toutes dernières heures d’Aurore.
    — Dans quel état était votre sœur, alors ?
    — Elle ne se tenait quasiment plus toute seule.
    — Que s’est-il passé après ça ?
    — Elle est descendue en bas, puis elle est tombée contre le poêle et maman...
    Fitzpatrick ne voulait pas la voir présenter son récit trop vite, les jurés en oublieraient les détails. Pour la ralentir, il demanda :
    — Pourquoi est-elle tombée contre le poêle ?
    — Elle était trop faible.
    — Qu’est-ce qui est arrivé, alors ?
    — Maman a pris le manche de fourche...
    Un frisson d’horreur secoua l’assistance. Fitzpatrick leva la main pour l’arrêter encore, alla chercher une autre pièce à conviction.
    — C’est ce manche de fourche ?
    — Oui. Elle lui a donné trois coups, elle s’est écrasée au sol.
    — Après ça, qu’est-ce qui est arrivé ?
    — Je l’ai relevée. Maman, ensuite... maman l’a lavée, elle l’a couchée dans le lit.
    «Salope», hurla quelqu’un. Le juge agita son maillet pour le faire claquer, heureux de sortir de l’hébétude déprimante où le récit le plongeait.
    — Dans quel état était-elle ?
    — Elle était... elle était à moitié morte.
    Afin d’éviter une crise de larmes, le procureur de la Couronne arrêta l’échange et fît semblant de se passionner pour les pièces à conviction. Quand il reprit, il demanda :
    — Où votre mère a-t-elle mis ce manche de fourche, après ?
    — Elle est allée le jeter.
    Pour lui permettre de se ressaisir, l’avocat l’entretint de l’épisode où Aurore, après avoir rempli sa paillasse, s’était retrouvée légèrement vêtue sur la galerie de la maison.
    L’épilogue, bien sûr, ne réservait aucune surprise : elle avait été rouée de coups.
    — Maintenant, revenons aux coups qui ont entraîné la grande bosse sur la tête. Après avoir donné ces coups, votre mère a-t-elle formulé une remarque ?
    — Elle disait que c’était bien bon. Parce que la tête commençait à lui mollir, elle n’aurait pas besoin de l’envoyer à l’école de réforme.
    Le substitut du procureur général fit une nouvelle pause.
    Les spectateurs savaient que cela annonçait une autre révélation dramatique.
    — Récemment, je veux dire peu de temps avant la mort de votre sœur, avez-vous déjà téléphoné à votre mère?
    — Oui.
    — Chez qui était-elle ?
    — Chez mon oncle Joseph Badaud.

    La précision servait à établir la véracité du récit.
    — A propos de quoi lui avez-vous téléphoné comme ça?
    — Aurore demandait qu’elle s’en vienne tout de suite, car elle avait besoin d’elle.
    — Etait-ce longtemps avant sa mort, ça ?
    — ... Le mardi, puis elle est morte le jeudi.
    La petite victime se trouvait donc au plus mal, au point de demander sa tortionnaire auprès d’elle. Son empoisonnement sanguin devait l’épuiser.
    — Qu’a-t-elle répondu là-dessus ?
    —Elle a répondu : « Qu’elle crève, ça fera un bon débarras. Je m’en irai quand je serai prête. »
    La stupeur toucha la salle. Fitzpatrick retourna vers la table où se trouvaient les pièces à conviction, pour revenir avec une

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