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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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entendue à l’enquête du coroner, à Sainte-Philomène-de-Fortierville ?
    — Oui.
    — Qui vous a questionnée ?
    — Je ne sais pas.
    Mathieu sourit. Elle n’avait aucune raison de se remémorer les noms. Les connaître trop bien donnerait l’impression d’un témoignage appris par cœur.
    — C’était le docteur Caron ?
    — Je ne le connais pas.
    — Lorsque vous avez été entendue, étiez-vous seule dans la sacristie ?
    — Non. Il y avait des jurés, madame Arcadius Lemay, d’autres aussi, des gens de la paroisse.
    Une petite foule se trouvait là. Le stagiaire fut heureux qu’elle ne signale pas sa propre présence.
    — Votre mère, l’accusée, y était-elle ?
    — Oui.
    — Vous avez prêté serment, cette fois-là ?
    — Oui.
    Son faux témoignage entacherait toute sa déposition d’aujourd’hui, Francœur n’en doutait pas.

    — Ce jour-là, vous a-t-on demandé si, à votre connaissance, votre mère avait maltraité Aurore ?
    — ... Oui.
    — Et vous avez juré que non ?
    — J’avais peur.
    — Peur de quoi ?
    Après tout le récit de la matinée, la question amena un rire nerveux dans la salle. Marie-Jeanne expliqua d’une voix blanche :
    — Elle m’avait promis une bonne volée, si je parlais de ce qu’elle avait fait.
    — Elle vous avait promis une volée ?
    La fillette le regarda, impavide. Elle ne répéterait pas deux fois sa réponse. Cet entêtement témoignait de sa détermination.
    — Quand votre mère vous a-t-elle promis cette volée ?
    — Elle est montée en haut, avant de partir de la maison.
    C’est là qu’elle m’a dit ça.
    — Et alors, sous serment, vous avez dit le contraire de ce que vous racontez aujourd’hui, de peur de recevoir une volée ?
    — Oui.
    En insistant, Francœur n’attirait pas la sympathie du juge, ni des jurés.
    — Ce que vous venez de raconter aujourd’hui, vous l’avez nié, sous serment, à Sainte-Philomène ?
    Marie-Jeanne chercha des yeux le visage de Mathieu. En constatant cela, l’avocat se déplaça, pour se mettre entre elle et lui.
    — N’est-ce pas ? insista-t-il.
    — Oui.
    — Savez-vous ce qu’est un serment?

    — Un serment, c’est prendre Dieu à témoin de la vérité de ce qu’on dit.
    L’homme hocha la tête gravement, comme un prêcheur du temps de l’inquisition prenant une pauvre âme en défaut.
    — Donc à Sainte-Philomène, quand vous avez pris Dieu à témoin de la vérité de ce que vous disiez, vous avez juré faux?
    Des larmes coulèrent sur les joues de la fillette.
    — Dites oui ou non, s’entêta l’avocat.
    Le juge, lui aussi visiblement très ému, s’interposa d’une voix bourrue.
    — Je crois qu’elle se trouve à vous avoir admis ça.
    Francœur regarda le magistrat avec un air de défi.
    — Si à Sainte-Philomène, vous avez juré faux, enchaîna-t-il, aujourd’hui, encore sous serment, est-ce que vous dites faux?
    — Non.
    — Après l’arrestation de votre mère, qui est en prison ici, et de votre père, vous avez affirmé, que votre témoignage devant le coroner était vrai.
    — Je n’ai jamais parlé de ça.
    — Vous n’avez jamais parlé de ça ? s’exclama-t-il avec surprise.
    Francœur tourna sur lui-même pour prendre l’assistance et les jurés à témoin.
    — Vous me l’avez dit à moi, que ce témoignage était vrai.
    Marie-Jeanne demeura muette, les yeux baissés, une petite silhouette fragile dont la tête seule dépassait de la barre.
    — Vous m’avez répété que ce témoignage était vrai.
    Votre mère était alors en prison, elle ne pouvait pas vous menacer.
    — Je ne me rappelle pas.

    Lors de la première comparution des accusés, Francœur était convaincu de la libération du couple, dans l’attente du procès. La fillette adaptait alors ses affirmations à l’éventualité de les voir rentrer à la maison tout de suite après les procédures. Peut-être avait-elle vraiment oublié. Plus vraisemblablement, s’en justifier aujourd’hui demandait un exposé dont elle ne se sentait pas la force.
    L’avocat insista, répéta trois fois «Vous ne vous rappelez pas ? », sans obtenir de réponse. Il ajouta un «Vraiment ? »
    sceptique. A la fin, il changea de tactique.
    — N’est-il pas vrai que vous avez confirmé à d’autres aussi l’exactitude de ce premier témoignage ?
    — Je ne l’ai dit à personne d’autre.
    — Personne d’autre ? Vous l’avez dit à moi seul ?
    Piégée, elle le regarda, un sillon d’inquiétude

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