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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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marquant son front. Mais elle demeura coite.
    — Quand votre mère vous a-t-elle frappée, vous ?
    demanda-t-il d’un air de défi.
    — Cet hiver.
    — Quand ?
    — Je ne me souviens pas de la date.
    Ces enfants ne fréquentaient pas l’école. Sauf la succession des dimanches, pour eux les saisons seules rythmaient le passage du temps.
    — Etait-ce dans le mois de janvier?
    — Je ne me rappelle pas du mois.
    — N’est-il pas vrai que vous avez déjà déclaré que votre mère ne vous avait corrigée qu’une fois, quand vous êtes sortie de l’orphelinat d’Youville et que, depuis ce temps-là, elle vous traitait bien ?
    — Je ne me rappelle pas l’avoir dit.
    A tout le moins, Francœur démontrait à tout le monde sa rigoureuse préparation des interrogatoires de ses témoins.
    Si celui-là n’était pas passé du côté de l’accusation, Marie-Anne Houde se serait drapée du manteau de la bonne mère canadienne-française, tout juste un peu sévère.
    — En vérité, votre mère vous a corrigée seulement une fois ou deux, ces deux dernières années, conclut le plaideur.
    Elle vous a toujours bien traitée et vous l’avez répété à tout le monde.
    — Si je l’ai répété, c’est parce que j’avais peur de me faire battre.
    — Ah ! Parce que vous aviez peur...
    Dans les circonstances, l’ironie desservait l’avocat de la défense. Marie-Jeanne le regarda, sans répondre.
    — N’est-il pas vrai, Marie-Jeanne, que votre mère ne vous a pas corrigée depuis deux ans, vous ?
    — Oui, elle nous a battus.
    La fillette incluait spontanément ses frères dans sa réponse. Francœur choisit de ne pas le relever.
    — Elle ne vous a pas corrigée, parce que vous vous conduisiez bien.
    La bouche demeura fermée, les yeux un peu effarés.
    — Ou si elle l’a fait, admit l’avocat, c’est parce que vous le méritiez.
    Comme elle ne répondait toujours pas, il persista :
    — N’est-ce pas ?
    Le juge avait passé de longues minutes à tenter de maîtriser les émotions se bousculant en lui. Il se pencha vers elle pour demander d’une voix douce :
    — L’aviez-vous mérité, quand elle vous a battue, mademoiselle ?
    — Parfois, elle nous donnait des ouvrages à faire. Si on prenait trop de temps, elle nous battait pour rien.

    De nouveau, elle incluait ses frères. Par son aménité, le magistrat obtenait des réponses là où l’avocat se heurtait soit au silence, soit à des larmes. Ce dernier changea à nouveau de tactique.
    — L’histoire, ou le témoignage que vous avez rendu tantôt, l’avez-vous préparé avec le détective Couture ?
    — Je lui ai raconté toute la vérité.
    La nuance valait son pesant d’or.
    — Vous lui avez raconté, répéta l’autre avec scepticisme.
    Vous a-t-il fait mettre ça par écrit ?
    — Lui, m’avoir fait mettre ça par écrit ? Non.
    Pourtant, l’avocat se souvenait d’avoir vu Fitzpatrick se référer souvent à des feuillets posés sur sa table.
    — Personne ne vous a fait mettre ça par écrit ?
    — Personne.
    — L’avez-vous mis par écrit?
    — Oui.
    Mathieu demeura impassible. Les quelques mots jetés sur des bouts de papier avaient servi d’aide-mémoire au cours de leurs conversations, tout au plus.
    — Personne ne vous l’a demandé ? formula l’avocat avec un scepticisme accru.
    — Non.
    Son affirmation demeurait rigoureusement vraie, dans les circonstances. Insister encore tiendrait du harcèlement, alors l’avocat de la défense chercha ailleurs les motivations de cette enfant qui se rangeait tardivement du côté de l’accusation.
    — Marie-Jeanne, vous n’avez jamais aimé l’accusée, votre belle-mère ?
    Celle-ci, surprise, écarquilla les yeux, sans répondre. Le juge se repencha vers elle pour la rassurer.
    — Dites sans crainte, si vous ne l’aimez pas. Dites-le.

    Francœur revint à la charge.
    — Vous êtes encore sous serment, vous savez. Vous n’avez jamais aimé votre belle-mère, n’est-ce pas ?
    La fillette regarda la silhouette sombre dans la boîte des accusés, sans répondre. Son silence valait un acquiescement.
    — Vous l’avez même déjà battue, dit Francœur.
    — Je ne l’ai jamais battue.
    — Rappelez vos souvenirs !
    — Non,
    c’était
    elle
    qui
    nous
    battait,
    plutôt.
    L’interrogatoire prenait une tournure étrange. L’accusée paraissait assez frêle. Tout de même, une enfant ne pouvait la maltraiter.
    — Peu de temps avant son mariage avec votre père, vous l’avez

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