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Mélancolie française

Mélancolie française

Titel: Mélancolie française Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Zemmour
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de deux siècles plus tard, Jean-Christian Petitfils (dans L’Assassinat d’Henri IV. Mystères d’un crime) révèle un complot mené de Bruxelles par l’archiduc Albert de Habsbourg. Ses tueurs, grassement rémunérés sur sa cassette, auraient rencontré Ravaillac et l’auraient poussé à perpétrer le crime à leur place. Ils le convainquirent seulement d’attendre patiemment le sacre de Marie de Médicis, plusieurs fois retardé avant le départ du roi en campagne. C’est sous la régence de celle-ci qu’on maria le jeune Louis XIII à Anne d’Autriche, et que s’ébaucha une alliance entre les deux puissances catholiques. Mais, devenu grand, le roi reprit la politique de son père, et soutint Richelieu jusqu’au bout dans son affrontement inexpiable avec la maison des Habsbourg ; et Anne d’Autriche, toute française depuis la naissance de son fils, devint la meilleure alliée de la politique de Richelieu, poursuivie par Mazarin. Cinquante ans plus tard, acculé par les revers militaires, par le grand hiver de 1709, Louis XIV lui aussi tint bon, sauvé en 1712 par la victoire de Denain ; et le duc de Bourgogne, qui avait montré une grande lâcheté sous la mitraille ennemie, mourut la même année. Mais les ultimes années de son règne, du traité d’Utrecht à son testament, où il cède de guerre lasse à la Maintenon, en faveur de ses « chers bâtards », connaissent déjà les faiblesses coupables d’une Régence.
    Chassé par la porte, le pacifisme rentre par la fenêtre. La dette laissée par le Roi-Soleil obérait le destin de la monarchie. Poussé par la nécessité financière, le Régent, à l’intelligence fulgurante, fut peut-être un des rares Français à comprendre le sens secret et désolant du traité signé en 1713 par son glorieux oncle ; il osa un audacieux rapprochement avec l’Angleterre et la Hollande, ces puissances protestantes et bancaires qui possédaient l’argent qui nous manquait tant. Le Régent cherchait la bienveillance de cette City qui avait persécuté son oncle, prolongeant de quelques années la guerre de Succession d’Espagne, alors même que les troupes et les gouvernements anglais étaient aussi fourbus et las que leurs adversaires français. Mais cette alliance avec le diable contraignit le cousin de Louis XIV à guerroyer contre l’Espagne du petit-fils de Louis XIV ! On dut rire sous cape à Londres ! Le Régent tenta d’imiter l’organisation bancaire et financière des Anglais, mais le système de Law finit en catastrophe. L’inflation qu’il provoqua permit tout de même de dégonfler la colossale dette de l’État laissée par Louis le Grand, et même d’irriguer une indéniable croissance économique au XVIII e siècle. Restait à affronter le clergé et la noblesse pour leur imposer des impôts. Déjà, sous Louis XIII et Louis XIV, l’imposition de l’Église, premier propriétaire terrien et immobilier de France, avait été envisagée. Et puis, le roi « absolu » s’était incliné. L’incapacité de la monarchie d’accoucher d’un système fiscal efficace et juste la rendait incapable de soutenir l’affrontement avec sa rivale anglaise. Elle finira par avoir sa peau.
    Le XVIII e siècle a ouvert une ère sous laquelle nous n’avons pas cessé de vivre : celle des géants, des superpuissances. Au XVII e siècle, la France était le seul « mastodonte », selon le mot du général de Gaulle. Ses « rivaux » potentiels, la Chine ou l’Inde, étaient trop loin au regard des moyens de transport de l’époque. Au XVIII e siècle, tout changea. Par la mer, l’Angleterre entama sa grande marche vers la première mondialisation du XIX e siècle ; le continent européen risquait d’être débordé, marginalisé par le dynamisme commercial et maritime « mondialiste » du Royaume-Uni. Par la terre, la Prusse et la Russie grossissaient, enflaient, sans mesure ; aucune barrière géographique ni politique ne les arrêtait. L’affrontement renouvelé des siècles futurs entre terre et mer, entre mondialisation et unification du continent européen se mettait en place. L’ordre de 1648 était ébranlé.
    Louis XV ne prit pas la mesure du danger mortel pour son royaume. Il était le fils du duc de Bourgogne. Il avait été éduqué par le cardinal Fleury, imprégné d’idéologie fénelonienne. Il détestait la guerre. Au soir du 11 mai 1745, parcourant le champ de bataille de Fontenoy, au milieu des cris de douleur des blessés

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